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Évolutionnaire

Alain G

Quand j’étais jeune, j’avais, comme beaucoup d’autres jeunes je pense, une vision très idéalisée de la révolution. Et puis j’ai vieilli et je me suis rendu compte que « révolution » était en fait souvent le mot qu’on utilise quand la révolution aboutit, pour désigner ce qu’on appelle au contraire « guerre civile » quand ladite révolution échoue. Par la force des choses, je suis donc devenu évolutionnaire. En effet, l’évolution est un phénomène naturel auquel on ne peut s’opposer longtemps sans risquer l’explosion, c’est-à-dire la révolution justement. Car parfois pour caricaturer (et dans toute caricature il y a me semble-t-il souvent un fond de vérité, si ce n’est toujours), on s’amuse à dire que la révolution est généralement une évolution qui se passe mal, une évolution qui se serait mieux passée si au lieu de chercher à la contenir, on avait fait ce qu’il faut pour l’accompagner en douceur, quitte au besoin à faire jouer les soupapes de sécurité. Donc quand je dis que je suis devenu évolutionnaire, cela ne veut bien sûr pas dire que je suis devenu pour autant contre-révolutionnaire ou anti-révolutionnaire, car comme je l’ai dit on ne peut pas en effet s’opposer à l’évolution, fut-elle consacrée par une révolution, en tout cas on ne devrait pas.

Si la révolution survient, il n’y a de toute façon plus grand-chose à faire sinon à faire avec, du moins si c’est vraiment une révolution dans le sens où elle donne naissance, violemment certes, à une évolution qu’on aurait pu obtenir plus en douceur si on avait fait ce qu’il fallait pour cela.

Donc en tant qu’évolutionnaire, j’aurai toujours tendance à favoriser la voie qui évite la violence lorsqu’elle peut être évitée. Et quand on examine après coup les choses, on s’aperçoit souvent, mais trop tard, qu’on aurait pu faire autrement. Mais en aucun cas en tant qu’évolutionnaire je ne m’opposerai à l’évolution apportée par cette révolution, du moins si c’est bien d’une évolution dont il est question, c’est-à-dire en général d’un progrès. Car parfois, certains cherchent à nous faire croire que l’évolution consiste à revenir en arrière, à reculer, ce que d’autres (dont je fais partie) auraient tendance à appeler au contraire régression. En effet, l’évolution qui, tout comme avant de donner naissance aux hommes que nous sommes, a dû commencer en se faisant la main sur des êtres vivants primitifs moins élaborés, va toujours dans le sens du progrès qui rajoute en général une couche de complexité supplémentaire à la couche précédente, qui avait elle-même rendu les choses plus complexes qu’elles ne l’étaient auparavant, tout ceci sans pour autant exclure la simplification quand elle est possible, à l’instar de la voiture qui est vous en conviendrez un véhicule beaucoup plus complexe que ne l’est par exemple le vélo, bien qu’il ne soit évidemment pas nécessaire de devenir forcément mécanicien pour pouvoir la conduire.

Donc l’évolutionnaire que je suis ne s’opposera a priori jamais à une révolution contenant intrinsèquement une évolution en elle, même si je préférerai toujours la douceur à la violence quand elle est évitable. Je m’opposerai en revanche très probablement, du moins si cela est alors possible, au dictateur qui souvent finit par reprendre les rênes du pouvoir quand le feu de la révolution finit par s’éteindre, comme en témoignent les nombreux exemples historiques en ce sens, à moins peut-être bien sûr que ce dictateur ne se révèle en définitive être un despote vraiment très bien éclairé, bien que les despotes éclairés ne soient selon moi guère différents des sirènes ou des licornes par exemple, c’est-à-dire quelque chose qu’au cours des siècles et des millénaires ils furent nombreux à évoquer, mais que personne n’a jamais vraiment vu.

Pour finir, si on admet que la révolution doit toujours aller dans le sens du progrès, la démocratie étant à ce qu’on sait le moins pire des régimes politiques, on peut légitimement se demander quel objectif pourrait donc avoir une soi-disant révolution qui viserait à renverser une démocratie pour la remplacer par une dictature … non, vous ne trouvez pas ? Renverser la démocratie pour la remplacer par quelque chose de mieux, mais je ne vois vraiment pas ce que ça pourrait être, là oui je ne dis pas que ça ne s’inscrirait pas dans la logique de l’évolution telle que je l’entends. Par contre substituer une dictature à une démocratie, du moins quand il s’agit vraiment d’une démocratie et non d’un régime autoritaire d’apparence démocratique, là je ne vois vraiment pas où pourrait bien se situer l’avantage évolutif dans un tel cas de figure. Il s’agirait alors en effet selon moi au contraire plutôt d’une régression que d’une évolution. Enfin me semble-t-il à mon humble avis bien sûr.

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