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Alain G

Ah ça ira ...

La révolution de 1789 avait l’avantage pour les révolutionnaires de l’époque d’avoir des ennemis à éliminer faciles à déterminer : les aristocrates. En revanche, aujourd’hui, alors que beaucoup rêvent à nouveau de révolution, il semble beaucoup plus difficile à trouver quels seraient, pour ces nouveaux révolutionnaires, ceux qu’il faudrait pendre à la lanterne.


Serait-ce les bourgeois ? Mais qu’est-ce qu’au juste un bourgeois ? Est-ce simplement quelqu’un qui s’est enrichi, c’est-à-dire quelqu’un qui comme on dit s’est embourgeoisé, ou qui en aurait seulement le désir ? Si oui, alors il faut arrêter d’envoyer les enfants faire des études, car le premier objectif d’un étudiant est de réussir ses études afin de pouvoir exercer une activité professionnelle qui lui permettra justement de s’embourgeoiser. Sinon pourquoi les étudiants feraient-ils donc le sacrifice de leurs jeunes années à étudier au lieu d’en profiter pour s’amuser comme tous les jeunes de leur âge ? Pour le plaisir d’étudier ? Sans doute y a-t-il aussi de cela au moins chez certains, mais pour beaucoup, sinon tous, les études sont surtout un investissement qu’ils font au cours de leur jeunesse en espérant en retirer un profit plus tard, un retour sur investissement donc. Faux ? Je crains que non, et en plus si on proscrivait les études on aurait pour résultat un abêtissement général de la population et une explosion de l’obscurantisme. En effet, imaginons que l’on supprime les études de médecine par exemple, qui nous soigneraient si ce n’est d’obscurs charlatans qui auraient un certain charisme pour les ignorants que nous serions devenus ?


Serait-ce les profiteurs ? Si oui, alors il y aurait vraiment beaucoup de monde à éliminer, car l’un des moteurs principaux des hommes étant l’intérêt, le profit est généralement le but à atteindre pour beaucoup, voire pour il me semble presque tout le monde. Mêmes vos amis, quand ils vous vendent d’occasion un bien, genre une voiture, essayent souvent d’en tirer, vétusté déduite, un petit bénéfice, ou quand ils vous font un prêt dit d’ami ne le font qu’exceptionnellement sans intérêt, fut-il modeste. Nous sommes, je crois, tous des profiteurs dans l’âme, je le crains très fort.

Ainsi je serais étonné, si on donnait par exemple des millions à quelques pauvres, voire très pauvres, de les voir se comporter autrement que les riches qu’ils critiquaient sans doute quand ils étaient pauvres, mais qu’une fois devenus riches ils ne manqueraient pas d’imiter, car sinon il ne faudrait pas attendre trop longtemps avant qu’ils ne se fassent dépouiller par leurs anciens amis pauvres, qui voudraient en profiter pour leur prendre un peu ou beaucoup de leur nouvelle fortune. Et tout cela sans compter que le profit n’est pas toujours forcément financier, mais peut fort bien être sentimental par exemple quand notamment on convoite le cœur d’une personne en rusant pour parvenir au résultat escompté. C’est en effet une forme de profit à mes yeux puisque c’est quelque chose qu’on n’aurait certainement pas obtenu en restant honnête au lieu de ruser, c’est-à-dire en forçant en quelque sorte les choses. C’est donc bien profiter plus ou moins de l’honnêteté ou de la naïveté de l’autre, non ?


Serait-ce les élites ? Si oui, les éliminer reviendrait alors pour nous à n’être plus qu’un corps sans tête, reviendrait somme toute à nous décapiter nous-mêmes. En effet, pour continuer avec l’exemple des médecins qui incontestablement font partie de l’élite ou de l’une des élites de notre société, si on venait à les éliminer comment nous soignerions nous ?


Serait-ce les privilégiés en général ? Si oui, il ne sera pas facile à caractériser ces privilèges et à désigner ceux qui en bénéficient, puisqu’il y en a un peu partout. Chacun accusera alors l’autre d’être un privilégié qui en retour l’accusera d’en être un lui-même.


Serait-ce les riches ou ultra riches ? Sauf qu’il n’est pas si simple à définir à partir de quand on devient riche, même si évidemment il semble clair qu’un milliardaire est infiniment plus riche qu’un travailleur pauvre ou un chômeur bénéficiant du revenu minimum accordé aux individus ne touchant plus les allocations chômage.


Mais pour certains, ennemis de la démocratie, la révolution est en fait le moyen le plus sûr pour arriver à leurs fins, c’est-à-dire instaurer une dictature qu’on la dise de droite ou qu’on la dise de gauche. Un régime fort, autoritaire, plus ou moins dur, qui reléguerait la démocratie à l’état de simple souvenir dont il ne faudrait pas trop se rappeler.

D’ailleurs souvent les révolutions ont accouché d’un dictateur ou homme fort, les exemples ne manquent pas. Après 1789, il y eut Napoléon ; après la révolution de 1917, il y eut Staline ; après la révolution iranienne, il y eut Khomeiny ; après la révolution nationale socialiste allemande (car pour moi c’était un processus révolutionnaire, même si en général quand on parle de cette période on n’utilise pas le mot révolution), il y eut Hitler ; etc..


Personnellement, depuis que j’ai compris qu’une révolution était en fait une guerre civile qui ne devient révolution que quand les révolutionnaires l’emportent, et qui continue à s’appeler guerre civile quand c’est le pouvoir en place qui prend le dessus, vous l’aurez compris, je ne suis guère révolutionnaire. Et pour illustrer mes propos, je ne pense pas trop me tromper en disant que les troubles, c’est un euphémisme, qu’a connu la Syrie, seront analysés comme ayant été une guerre civile parce que le pouvoir en place, avec l’aide de la Russie, l’a emporté. Pourtant, rappelez-vous, cela avait commencé par un mouvement révolutionnaire qu’on avait appelé « printemps arabe », et je suis persuadé que ces événements auraient été qualifiés de révolution si les révolutionnaires avaient gagné.


N’étant pas révolutionnaire, je suis en revanche évolutionnaire, et j’aspire donc à ce titre à ce que la société évolue. Et évoluer, cela ne veut pas dire un retour en arrière, cela ne veut pas dire régresser, mais au contraire progresser.


Il y a cependant une révolution qui trouve grâce à mes yeux. C’est celle que j’appelle la révolution des esprits. Comme toute révolution, c’est aussi une guerre mais qui en aucun cas n’est civile ou militaire. Peut-être est-ce la fameuse guerre sainte dont parlent les musulmans, une guerre qui ne consiste pas à prendre les armes pour tirer sur son prochain quel qu’il soit, mais une guerre qui consiste à combattre ses démons intérieurs ainsi que je les appelle, comme par exemple la cupidité que je place toujours en premier puisque c’est à cause d’elle qu’on détruit notre planète, car c’est bien au nom de l’argent qu’on commet cette folie. Mais bien sûr il y en a beaucoup d’autres comme la jalousie ou l’agressivité par exemple, ou plus généralement l’hypocrisie contre laquelle on pourrait lutter un peu davantage pour lui préférer un peu plus l’honnêteté. Mais bon, même en faisant tout ça, il ne faut pas trop se leurrer : cela n’éliminera jamais totalement la violence de nos sociétés, mais même si ça ne faisait que la réduire un peu, ce serait déjà pas si mal. Car hélas nous sommes bien trop nombreux à aimer ça. Je dirais même qu’il y a en chacun de nous un certain goût pour la violence plus ou moins développé, ce qui d’ailleurs n’est peut-être pas si grave, du moins tant que cette violence est canalisée ou sous contrôle, tant qu’elle ne se déchaîne pas. En effet, nous sommes nombreux, et nombreuses, à jouer à des jeux violents qu’ils soient vidéos ou pas, à pratiquer des sports de combats ou assister à des combats de boxe ou de MMA, afin d’évacuer ce trop plein de violence qu’il peut y avoir en nous, et ce qui d’ailleurs nous permet ensuite de nous comporter de manière policée en société.

Voilà donc la seule révolution que personnellement je pourrais encourager, et à ce propos j’avais noté une expression anglaise que j’avais littéralement traduite par « Changez votre esprit », alors qu’en réalité elle est utilisée par les anglophones pour signifier « Changez d’avis » : il s’agit bien sûr de Change your mind ! … Eh bien tant pis pour cette méprise. Cette formule me semblait pourtant bien appropriée pour caractériser cette révolution qui aurait ceci de particulier qu’elle ne ferait, elle, à priori couler aucun sang ni verser aucune larme.

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