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Désir

Alain G

Dernière mise à jour : 6 mars 2020

Je ne vais sûrement pas écrire un traité sur la psychologie du désir, mais j’ai quand même remarqué que les gens se divisaient en deux : ceux qui aiment avant tout désirer et ceux qui aiment surtout être désirés. Mais bien sûr, entre ces deux extrêmes qui n’existent peut-être pas comme tels à l’état pur, il y a tous les autres qui aiment (selon des proportions qui varient en fonction de chaque individu) tout autant désirer qu’être désiré. Et c’est sans doute la catégorie la plus nombreuse, encore que je ne dispose d’aucune statistique pour pouvoir l’affirmer. Je me contenterai donc juste de le supposer. Dans la catégorie de celles et ceux qui aiment être désirés, on trouvera bien sûr les exhibitionnistes, ceux qui ont choisi de faire envie plutôt que pitié, ceux qui veulent briller. Du côté de ceux qui aiment surtout désirer, à l’extrême on trouvera le violeur qui lui se fout parfaitement d’être désiré pourvu qu'il puisse réaliser son désir, qu’il puisse posséder celle (ou celui s’agissant des homosexuels) qu’il désire. On pourrait penser qu’il suffirait de mettre ensemble ceux qui veulent désirer avec ceux qui aiment être désirés, voire possédés, ceux qui recherchent l’abandon. Sauf que les choses ne sont évidemment pas aussi simples que ça, car celui qui aime posséder n’a peut-être pas envie de posséder celui ou celle qui désire être possédé(e). Il peut aussi préférer celui ou celle qui n’aime pas ça. Mais restons-en là car les simplets bien sûr pour qui la complexité n’est acceptable que si elle est simple trouveront ça trop compliqué … et d’ailleurs moi aussi. Et voilà, il fallait bien que ça arrive : moi aussi, je deviens simplet, et figurez-vous que ça me fait même rire, c’est dire à quel point c’est grave.

Corinne, elle, se moquait bien qu’on puisse la prendre pour une simplette ou pas. Ce qui était important pour elle, c’était avant tout d’être la plus désirée possible par ceux qu’elle désirait avoir à ses pieds, et notamment Quentin qui était beau comme Crésus. Pour être remarquée par lui, qu’il s’intéresse à elle, elle n’a pas négligé ses efforts. Elle s’est renseignée sur lui de manière à le connaître le mieux possible, engageant un détective privé pour qu’il lui remette un rapport détaillé sur ses activités, ses goûts, ses préférences, ses hobbies, ses fréquentations, son emploi du temps etc.. Elle voulait tout savoir sur lui car c’est sur lui qu’elle avait choisi d’investir, et déterminée, elle était bien décidée à ne rien laisser au hasard. Tous ses efforts finirent par payer car c’est bien elle qu’il épousa. Le plan avait bien fonctionné : elle était arrivée à ses fins. Mais le temps passa et la routine s’installa. Croyant l’affaire définitivement acquise, petit à petit elle négligea son travail, car c’était bel et bien un travail que de faire en sorte de rester toujours aussi attirante aux yeux de Quentin. Et puis il y avait aussi Octavien qui lui tournait autour depuis déjà belle lurette. Car à présent, bien installée dans le monde, elle aussi était devenue belle comme Crésus auprès de jeunes séducteurs en mal d’exploits à mettre à leur actif. Elle était devenue désirable et n’y était pas totalement insensible. Elle finit par céder aux avances de son prétendant, persuadée que son mari n’en saurait jamais rien. Sauf que Quentin, lui aussi se sentant un peu délaissée par son épouse, alla également voir ailleurs si l’herbe n’était pas plus verte que chez lui, et démon de midi ou pas, il trouva un près très verdoyant dont il tomba fou amoureux comme jamais il ne le fut. Décidé à refaire sa vie, d’autant qu’aucun enfant n’était né de son union avec Corinne, il engagea un détective pour monter un dossier solide en vue de préparer son divorce.

Corinne de son côté, elle aussi, faisait surveiller son mari car bien qu’elle ait un peu relâché avec le temps ses efforts pour garder son mari dans l’état où il était quand il l’avait demandé en mariage, elle n’en restait pas moins précautionneuse pour autant. Elle découvrit donc très rapidement le stratagème de son époux et prépara, elle aussi, un dossier en vue d’une éventuelle séparation. Quand l’heure des explications arriva, chacun déposa ses arguments en pensant qu’ils seraient supérieurs à ceux de l’autre. Et finalement, après réflexion, tous deux décidèrent qu’il était préférable d’en rester au statu quo ante bellum ; ils ne divorceraient pas, maintiendraient les apparences, et chacun mènerait de son côté la vie qu’il entendait mener dans la discrétion la plus absolue. En effet, Quentin comprit très vite qu’un divorce lui coûterait vraiment trop cher et Corinne, se rendit compte que ce qu’elle gagnerait avec le divorce ne remplacerait jamais tout ce qu’elle perdrait en divorçant. Ils vieillirent ainsi ensemble sans plus l’être vraiment. Et sans pour autant devenir amis, petit à petit ils s’étaient retrouvés à être en quelque sorte de bon conseil l’un pour l’autre comme le seraient devenus deux actionnaires principaux d’une entreprise qu’il fallait bien continuer à gérer au mieux de leurs intérêts communs. Le désir du commencement l’un pour autre avait fini par glisser vers celui plus subtile qui consistait à conserver leur couple dans la meilleure situation possible. Ils ne se désiraient plus physiquement, mais désiraient quand même rester ensemble … par intérêt. Et oui, n’en déplaise aux simplets, la vie n’est pas simple … quoique ! Mais bon, en général, quand c’est complexe, c’est complexe. Et vouloir simplifier systématiquement ce qui est complexe n’aboutit-il pas souvent à tout compliquer, à transformer la complexité en complications ? Et pour sûr, ce qui touche au désir est souvent loin d'être simple, n'est-il pas ?

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