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Alain G

Pauvreté, punition divine ?

Dernière mise à jour : 31 mars 2022

Dans certains milieux religieux plutôt radicaux circule l’idée étrange selon laquelle la pauvreté serait une sorte de punition divine. Mais à qui doit-on de propager cette idée ?

Aux pauvres à qui elle est censée s’appliquer, ou aux riches qui, de fait, y trouvent un moyen très commode pour se déculpabiliser d’être riches, en justifiant leur bonne fortune par la volonté de Dieu, tout en culpabilisant les pauvres de ne pas avoir sa faveur comme eux peuvent l'avoir ?

Ce serait alors pour le coup à n’en pas douter une façon très efficace pour les riches de consacrer leurs privilèges aux yeux des pauvres masochistes qui adhèrent à ce discours, dont l’objectif serait en définitive de leur faire adopter une attitude de résignation et de soumission.

Quoi qu’il en soit, c’est manifestement un Dieu très à droite, voire même plus encore, que les prêcheurs de ces courants mettent en scène, à moins bien sûr que ce ne soient ces prêcheurs très à droite qui donnent délibérément à Dieu cette coloration politique pour la faire correspondre parfaitement à la leur.

Car pourquoi Dieu se limiterait-il en effet à l’argent pour favoriser ses préférés ? Pourquoi n’ajouterait-il pas aussi par exemple la santé ou la beauté à l’argent, les riches jouissant non seulement d’une bonne fortune mais aussi d’une bonne santé ou d’une grande beauté que les pauvres n’auraient pas ?

Peut-être, me dit mon petit doigt, parce qu’on peut être riche tout en étant malade ou laid, et que cela ne ferait plus tout à fait sonner les propos de ces prêcheurs aussi juste qu’ils le souhaiteraient, les gens pouvant trouver bizarre que Dieu qui les a choisi pour être riches les accablent néanmoins de maladies ou de laideur, comme s’il voulait leur faire payer quelque chose qu’il leur reprocherait, et qui pourrait bien être justement le fait d’être riches.

Comment en effet expliquer que Dieu qui aime tellement les riches puisse pourtant les rendre malades ou laids, alors que des pauvres qui au contraire n’auraient pas sa préférence, eux, seraient en bonne santé ou très beaux ?

Dès lors on peut tout à fait comprendre, parce que cela ne tient plus tout à fait aussi bien la route, qu’ils préfèrent donc se limiter à ne parler en guise de bienfait divin que de la seule richesse matérielle, et du pouvoir qu’elle confère à ceux qui en jouissent, d’autant qu’ils estiment sans doute posséder par ailleurs l’argument à leurs yeux imparable, selon lequel cette richesse providentielle procure de toute façon à leurs bénéficiaires les moyens de se soigner autrement mieux que ne le peuvent les pauvres, tout en leur permettant en outre le cas échéant d’avoir recours à la chirurgie esthétique pour corriger d’éventuelles disgrâces physiques.


Robert, plus royaliste que le roi, était un de ces prêcheurs à qui toutefois, bien qu’ayant tout ce dont il pouvait avoir besoin, il manquait d’être riche. N’étant pas riche, il faisait pourtant l’éloge non seulement de la richesse, don de Dieu, mais aussi de ceux qui en bénéficient. Ses prêches connaissaient un certain succès, pour ne pas dire un succès certain. Il avait aussi cependant quelques opposants dont notamment Henry, une baraque de près de deux mètres à qui ce genre de divagations ne plaisait guère. Il était même très remonté contre lui et aurait bien aimé le dérouiller à sa façon, ce qui ne lui aurait posé aucun problème de conscience et aurait été assez facile en pratique, Robert étant d’apparence chétive.

Un jour, ou plutôt en début de soirée, il croisa Robert qui revenait chez lui après avoir été visiter quelques uns de ses fidèles. Henry eut là ainsi l’occasion de mettre à exécution son souhait de lui donner enfin la leçon qu’il méritait.

Il s’arrêta devant lui et lui dit : « Je vais te casser la gueule, et quelque chose de bien crois-moi, mais tu te laisseras faire car c’est la volonté de Dieu qui veut ainsi mettre ta foi à l’épreuve. Alors ne bouge surtout pas ! »

Avant qu’Henry ne mette sa menace à exécution, Robert détala comme un lièvre qui aurait vu un renard ou un loup, sans attendre qu’Henry ne lui applique le prétendu châtiment divin, et plus personne ne le revit dans la région, au grand dam de ses disciples qui ne s’en consolèrent jamais. Pourtant, même si Henry avait menti en disant que c’est Dieu qui voulait qu’il le corrige, Robert, au même titre qu’il considérait la richesse comme une grâce divine, aurait dû accepter la correction qu’Henry s’apprêtait à lui donner comme étant le sort que Dieu lui avait réservé, même si cela s’apparentait davantage en l’occurrence à une punition qu’à une récompense.

Que nenni ! A croire qu’il ait subitement perdu la foi devant la perspective de se faire rosser. Sa foi n’était sans doute pas si solidement ancrée en lui pour aller jusqu’à s’en appliquer les préceptes quand il s’est agi de la montrer en payant de sa personne. L’acceptation de son sort qu’il enseignait à ceux qui voulaient bien l’écouter, il n’était visiblement pas prêt à l’expérimenter concrètement sur lui quand il s’est soudain trouvé en situation de recevoir quelques coups d’un colosse bien mal disposé à son égard.

Sans doute une illustration du mystère insondable de la foi qui vient et qui va en fonction des conditions du moment présent … mais qui peut le dire ?

Ben, peut-être moi ! Bien que je n’en sois pas convaincu. Sourire.

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