Il peut sembler étrange qu’on puisse songer à parler de reconnaissance de maternité, tant elle apparaît à ce point évidente du simple fait de l’accouchement, et pourtant …
Joël et Pauline s’étaient rencontrés en boîte de nuit et n’ont pas mis longtemps à s’installer sous le même toit, tant leur entente était grande. Après quelques mois de cette vie qu’ils envisageaient de plus en plus passer ensemble, la question de l’enfant apparut dès lors comme une évidence. Elle arrêta donc de prendre la pilule et ne tarda pas à tomber enceinte. Tout avait l’air de se passer au mieux dans le meilleur des mondes. C’est alors qu’au boulot, Joël fit la connaissance de Juliette avec laquelle il découvrit qu’il partageait beaucoup de points communs, tant et si bien qu’ils se voyaient de plus en plus à chaque fois que leurs emplois du temps professionnels respectifs le leur permettaient. C’est ainsi qu’ils allaient à présent systématiquement manger tous les deux à midi pendant la pause déjeuner et y trouvaient beaucoup de plaisir.
Joël était troublé car son entente avec Juliette lui donnait l’impression d’être encore plus grande que celle qu’il vivait avec Pauline. Et bien sûr ce qui devait arriver arriva : Joël et Juliette finirent par se fréquenter intimement, et là aussi leur entente lui semblait bien supérieure à celle qu’il connaissait avec Pauline dans ce domaine.
Malgré l’enfant qu’il attendait de Pauline, il finit par se résoudre à la quitter et à se mettre en couple avec Juliette. Ça n’a évidemment pas été facile pour aucun des trois, et surtout pour Pauline qui se sentait trahie.
Après leur séparation, Pauline, ne pouvant plus rester dans l’appartement qu’elle partageait avec Joël bien que celui-ci était prêt à le lui laisser sans faire de problème, elle déménagea et disparut littéralement de la circulation. Personne ne savait où elle se trouvait jusqu’à ce qu’elle finisse par réapparaître à peu près 9 mois plus tard.
Joël, qui avait fait tout ce qu’il pouvait pour essayer de la joindre pendant son absence, ne manqua pas une seconde pour la contacter afin de savoir ce qu’il en était de l’enfant qu’elle était censée avoir eu, maintenant que la grossesse était en principe arrivée à terme. Pauline lui expliqua qu’elle avait perdu l’enfant peu de temps après leur séparation, et avait voulu tout quitter pour pouvoir se reconstruire dans un climat plus serein, loin de tout ce qui pouvait lui rappeler ce qu’elle avait vécu, qu’il s’agisse de leur séparation ou de la fausse couche qu’elle avait subie.
Joël eut un doute, car le récit que Pauline lui avait fait lui donnait l’impression de sonner faux.
Après en avoir parlé avec Juliette avec laquelle à présent il vivait, il ne put s’empêcher d’engager un détective privé afin qu’il enquête sur ce qui était vraiment arrivé.
Le détective découvrit assez vite que Pauline n’avait pas perdu son enfant comme elle le prétendait, mais qu’elle avait accouché sous X dans une ville voisine à quelques kilomètres de là.
Quand il apprit la vérité, Joël voulut faire reconnaître sa paternité sur cet enfant dont à l’aide du détective privé il avait retrouvé la trace. Mais ce n’était pas vraiment possible, car juridiquement il n’est pas si simple pour le père d’un enfant né sous X, de faire reconnaître sa paternité sur un enfant né dans ces conditions.
Il voulut alors attaquer Pauline en justice pour l’obliger à reconnaître sa maternité sur cet enfant afin qu’il puisse lui aussi faire reconnaître indirectement sa paternité sur lui. Mais là encore c’était sans espoir, car l’action en reconnaissance de maternité n’existe pas semble-t-il dans notre droit français, alors que l’action en reconnaissance de paternité, cet archaïsme issu d’un autre âge, quand la pilule et l’avortement légal n’existaient même pas, existe lui en revanche toujours bel et bien dans notre droit.
C’est bien sûr un scandale, non pas évidemment que l’action en reconnaissance de maternité n’existe pas dans notre droit, mais que l’action en reconnaissance de paternité, elle, reste encore aujourd’hui une possibilité offerte à la mère pour faire reconnaître au père sa paternité, même quand il s’avère que ce dernier n’a jamais voulu avoir cet enfant que seule la mère souhaitait.
Quant à Pauline qui avait imaginé ce scénario pour punir Joël de l’avoir quitté alors qu’elle était enceinte, rien à priori ne pourra jamais juridiquement l’atteindre.
Est-ce pour autant que ce qui à l’évidence apparaîtra à beaucoup comme un cas d’école (alors que je suis persuadé que cela s’est déjà probablement produit plus d’une fois) est juste selon vous ? Vraiment je vous le demande.
Aujourd’hui, une femme peut tout à fait refuser sa maternité (et c’est heureux) en avortant ou même en accouchant sous X, alors qu’un homme, lui, sera toujours obligé d’accepter sa paternité si la mère de l’enfant l’exige. Dans ces conditions, elle est où au juste l’égalité des sexes ici ? Quelqu’un a-t-il la réponse à cette question ?
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