Une mère, ça, je vois assez bien ce que cela peut être, aussi bien au sein de l’espèce humaine que dans quasiment tout le règne animal. Il y a de bonnes et de mauvaises mères, mais en général une mère, on sait ce que c’est. En revanche un père, c’est beaucoup plus discutable. On sait dire souvent d’instinct de quelqu’un qu’il est un bon ou un mauvais père, sans toutefois être vraiment capable de définir précisément ce que c’est exactement qu’un père. Un géniteur, ça aussi, je vois assez bien, voire même très bien, ce que c’est, mais un père, là, je dois dire que c’est beaucoup plus flou, en particulier chez les hommes. Parce que curieusement dans le règne animal, chez les quelques espèces où les deux parents s’occupent de leur progéniture, c’est paradoxalement plus clair, car bien sûr plus simple. D’où la tentation d’ailleurs d’une simplification des rôles et des tâches par une sorte de retour à la nature que peuvent avoir certains.
Mon père, qui restera pour toujours ma première référence, du moins la plus complète, voulait, c’est en tout cas l’image la plus persistante qu’il me reste de lui, être le patron, et il l’a dit plusieurs fois : « c’est moi le patron », parce qu’il estimait, dans la mesure où c’est lui qui ramenait l’argent du foyer, qu’il était en droit de commander. Il avait sans doute au fond de lui sans le savoir pour modèle le père antique de l’époque romaine, le fameux pater familias qui en ce temps-là avait quasiment droit de vie et de mort sur sa femme et ses enfants. Beaucoup d’hommes d’ailleurs aujourd’hui aimeraient encore avoir ce droit, et si l’on prend en considération les chiffres relatifs aux féminicides, nombreux sont ceux qui se l’attribuent encore parfois bien qu’il fasse pourtant partie aujourd’hui d’un passé révolu, tout comme nombreux sont encore ceux qui rêveraient de réinstaurer l’esclavage, qui soit dit en passant, même aboli, se pratique encore plus souvent qu’on ne le croit de nos jours.
Notez en outre que si on prenait effectivement comme critère celui qu’avait mon père, un chômeur qui ne rapporterait aucun salaire à la maison ne saurait être un bon père, voire même pas du tout un père. Or, je ne suis pas expert en la matière, mais je suis persuadé qu’il existe de très bons pères chômeurs, quand dans le même temps on trouverait sans problème des pères à très hauts revenus qui ne le seraient pas du tout, bons pères.
D’autre part, je ne sais pas vous, mais en général les patrons sont rarement aimés par leurs subordonnés, mais plutôt craints, et personnellement j’ai dû mal à concevoir qu’on puisse aimer ce que l’on craint, enfin sauf exceptions bien sûr. En effet, pour moi l’amour et la peur sont des sentiments à priori incompatibles.
L’image qui me vient de ce père que j’ai en tête serait en fait celle d’une sorte de flic, et tout comme les patrons, les flics sont généralement peu aimés. En tout cas moi depuis que j’ai eu affaire à eux, après mon agression (je vous renvoie à ce propos, si cela vous intéresse, à ce que j’ai pu écrire dans « Police de classe »), je ne les porte guère dans mon cœur. Il faut dire, qu'après les avoir vu à l’œuvre (ou plus exactement pas à l’œuvre du tout, car en fait ils n’ont rien fait, ou, pour être gentil, presque rien), je suis tombé de très haut. J’avais confiance, et la preuve en est que j’ai signé ce qu’ils m’ont fait signer sans pouvoir lire ce que je signais puisque je n’avais pas mes lunettes. Or ils savaient parfaitement que j’en portais, puisqu’ils voulaient absolument me faire dire que je m’étais fait cette blessure que j’avais à la tempe en tombant sur l’une des branches de mes lunettes. Ils ne pouvaient donc pas ignorer, m’ayant sous leurs yeux, que je ne les avais pas en l’occurrence sur le nez, et pour cause, la plaie bien que recousue que j’avais à la tempe m’en aurait fortement empêché à ce moment-là. Ils auraient donc pu, voire dû, me lire ce que je devais signer, si cela avait été des gens honnêtes, mais apparemment il faut croire que ceux-là n’en étaient pas.
J’avais donc confiance, et aujourd’hui sur une échelle de 0 à 10, 0 étant la confiance la plus nulle que l’on peut avoir à l’égard de cette institution et 10 la confiance la plus absolue, moi je crois bien que je devrais creuser sous le 0 pour essayer de me situer par rapport à cette échelle.
Je ne dis pas que je ne pourrais pas faire confiance à tel ou tel policier, mais à la police en général, je crains fort désormais la chose irrémédiablement impossible.
Alors comment avec de telles références en tête pourrais-je donc avoir une bonne image du père, franchement je vous le demande…
Evidemment, vous penserez tout naturellement que j’ai un problème avec l’autorité, et peut-être est-ce vrai. Pourtant personnellement, je trouve n’avoir vraiment aucune difficulté à respecter celles et ceux qui font autorité en raison de leurs compétences ou de leur comportement, car tout naturellement ces personnes-là forcent le respect. Là où effectivement j’ai beaucoup plus de mal, c’est avec celles et ceux qui veulent imposer leur autorité sans vraiment le mériter. Je pense entre autres par exemple à ces parents fumeurs qui interdisent à leurs enfants de fumer, ou encore à ces parents qui obligent leurs enfants à lire alors qu’eux-mêmes ne lisent guère à part peut-être le journal ou des magazines, mais jamais un des livres dont ils imposent la lecture à leurs enfants.
Mais pour finir, il faut que j’avoue avoir néanmoins bien conscience au fond de moi (allez savoir pourquoi) d’avoir tendance à volontiers faire rimer père avec autoritaire, ce qui d’ailleurs aura aussi sans doute contribué à m’ôter l’envie de le devenir moi-même, père. Et voyez-vous, même si peut-être vous ne me croirez pas, aujourd’hui encore je n’arrête pas de m’en féliciter.
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