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Avia'tort

Alain G

Dernière mise à jour : 9 janv. 2023

D’après le Conseil Constitutionnel, Laetitia Avia a eu manifestement tort de vouloir faire adopter sa proposition de loi, puisque le Conseil Constitutionnel a finalement décidé qu’elle portait atteinte à la liberté d’expression. Moi, je n’en suis pas convaincu. Non pas convaincu que la solution que contenait cette proposition de loi ne soit pas en effet une atteinte à la liberté d’expression (*), ni même que cette solution proposée soit la meilleure, mais au moins a-t-elle eu le mérite de proposer quelque chose, car aujourd’hui ce qui m’intéresse, c’est qu’en condamnant cette proposition de loi, ou même une autre visant à réguler tout cela (même au nom de la défense de la liberté d’expression), le problème est que les propos haineux, calomnieux, injurieux, racistes, etc. vont pouvoir continuer à être diffusés sur Internet comme avant, sans qu’aucun filtre ne vienne les bloquer, au motif que ça n’était pas aux gestionnaires des réseaux sociaux de procéder à cette censure. Donc cela revient à ce qu’au nom de la liberté d’expression, on puisse continuer à injurier, calomnier, diffamer, et j’en passe, quitte à ce qu’après coup ces propos soient condamnés par un juge et que leurs auteurs aient à en rendre compte. Sauf que si on ne voulait pas que ce fût aux réseaux sociaux de faire la police sur Internet, on aurait dû au moins et depuis longtemps déjà mettre en place une telle police à cet effet qui aurait été alors légale car officielle. Mais cette police, appelez-là comme vous voulez, n’existe pas à ma connaissance et n’importe qui peut aujourd’hui calomnier, diffamer, propager des propos haineux ou mensongers sans quasiment le moindre risque, puisqu’en outre cela se ferait de manière totalement anonyme et souvent difficilement traçable. Il me semble qu’il y a longtemps qu’on aurait dû créer ce genre de police d’Internet pour laquelle il aurait sans doute fallu recruter en nombre des ingénieurs en informatique et autres hackers repentis doués dans le domaine qui nous occupe. Mais rien n’a été fait, et pour une fois qu’une initiative est prise pour essayer sinon de stopper, au moins de réguler ce flot de propos nauséabonds, on nous oppose la liberté d’expression pour la rendre inopérante. Moi je trouve cela difficile à digérer, car bien que je défende moi aussi la liberté d’expression, je pense que cette liberté, comme n’importe quelle autre, a des limites. Je crois en effet que la liberté quelle qu’elle soit s’arrête là où commence l’injustice. Et je trouve particulièrement injuste qu’on laisse se propager de tels propos sans qu’aucun barrage ne vienne s’y opposer. En effet, comme chacun sait, diffamez, diffamez, il en restera toujours quelque chose, même si après coup ces propos auront été condamnés pénalement et leurs auteurs sanctionnés. Personnellement, j’estime que ce genre de propos qui mettent en cause un ou plusieurs individus ou toute une communauté n’ont pas à être permis au nom de la liberté d’expression ou au nom de n’importe quelle autre liberté, et qu’il devrait y avoir tout comme il existe une police de la circulation pour les véhicules à moteur sur les routes et les autoroutes, une police des propos illégaux qui circulent sur Internet. Et si l’auteur de ces propos estimait qu’on les a injustement censurés, rien ne devrait l’empêcher après coup d’attaquer le ou les censeurs devant la justice qui déciderait solennellement si cette censure était justifiée ou pas, et d’éventuellement demander le cas échéant des dommages et intérêts tout en exigeant que ses propos soient finalement rendus publics, une fois que la censure aurait été déclarée injuste par un ou plusieurs juges ou autres commissions composées d’experts ou (et) de citoyens tirés au sort si la loi en décidait ainsi. Il suffirait en fait juste d’inverser la façon de procéder (**). Aujourd’hui, on autorise d’abord pour éventuellement condamner après. Il se trouvera donc toujours quelqu’un pour dire que c’est un complot, une conspiration, que c’est injuste, que c’est une atteinte insupportable à la liberté ou que sais-je encore.

Franchement, il faut savoir ce qu’on veut.

Néanmoins, si cette police devait finalement voir le jour (ce qui n’est sûrement pour demain), en plus d’être bons informaticiens, ces policiers chargés de la circulation sur Internet, devront assurément recevoir une solide formation juridique afin d’être en mesure de bien distinguer ce qui est permis de ce qui ne l’est pas, ce qui relève des idées ou de l’humour et ce qui relève de l’infraction, ce qui relève de la sphère privée et ce qui est public… Et là bien sûr, bon courage !

Mais avons-nous seulement le choix ? Pour vivre en société, nous avons besoin de règles et d’une ou plusieurs polices pour les faire respecter, autant sur Internet que partout ailleurs. Sinon, il ne faudra pas s’étonner : ce sera de plus en plus la loi de la jungle. Et celui qui dit cela sera sans doute l’un de ceux qui râlera contre cette police, fera peut-être lui aussi partie de ceux qui dans tel ou tel cas trouvera cette censure limite ou excessive, mais soyons sérieux un instant : peut-on vraiment continuer à accepter ces insultes et autres calomnies qui peuvent, notamment chez les plus jeunes ou les plus fragiles, conduire au suicide ? Que la société s’empare de se débat, et finisse par trancher, me semble crucial pour que chacun sache bien en toute connaissance de cause à quoi s’en tenir sur le genre de rapports que l’on souhaite avoir les uns avec les autres dans cette société. Bref veut-on une société policée ou veut-on au contraire retourner à l’état de nature et à la loi du plus fort, aller vers une société où aura systématiquement raison celui qui criera le plus fort sa haine du plus faible ?

Mais après tout, peut-être ai-je tort, peut-être faut-il en effet s’en tenir au statu quo actuel. A chacun donc de se faire son opinion, la question me semblant tout de même fondamentale.


(*) autre chose est de savoir si cette atteinte était légitime ou pas au regard de ce qui est en jeu au niveau du genre de vie que l’on veut pouvoir mener dans notre société, et qui semble visiblement de plus en plus se dérouler sur les réseaux sociaux


(**) bien que n’étant pas un partisan de la censure lorsqu’il s’agit notamment de dénoncer l’arbitraire ou protéger l’humour noir dont je suis grand amateur, je serais néanmoins plutôt d’accord avec le magistrat qui, lorsqu’il eut à connaître de l’affaire concernant Eddy de Pretto harcelé sur les réseaux sociaux pour avoir osé chanter l’homosexualité dans une église, parla d’abus de liberté d’expression, abus qu’il aurait peut-être été possible d’éviter si les gestionnaires des réseaux sociaux avaient été obligés de faire en sorte que ce genre de propos haineux ne soient pas rendus publics, ou qu’à défaut une police spécialisée s’en charge, même si bien sûr je suis tout à fait conscient que c’est très facile à dire mais beaucoup plus difficile à faire

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