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Alain G

Sacrifice

Dernière mise à jour : 6 févr.

Je n’ai pas la religion du sacrifice, mais je pourrais éventuellement faire le sacrifice de ma vie pour quelqu’un que j’aime ou, le cas échéant, pour une cause qui le mériterait. En revanche, je n’adhère pas du tout, mais vraiment pas du tout, à cette idée du sacrifice que l’on ferait à Dieu ou aux dieux ainsi que cela s’est pratiqué de tout temps apparemment, et que cela se pratique d’ailleurs encore, même si heureusement les sacrifices humains ne semblent plus être à l’ordre du jour.

Que l’on puisse se sacrifier soi-même, puisque selon moi on ne peut sacrifier que ce qui nous appartient vraiment, c’est-à-dire de mon point de vue son propre corps ou sa propre vie, je peux le comprendre, mais que l’on puisse s’autoriser à sacrifier un animal que l’on s’est approprié, alors que celui-ci s’appartient d’abord à lui-même et qu’en fait en se l’appropriant on outrepasse ses compétences, je ne peux l’admettre, et je ne l’admettrai jamais.

Si Dieu en personne venait à me demander de me sacrifier pour lui, je lui rappellerais ce qu’étant omniscient il ne peut ignorer, à savoir que je ne pourrais me sacrifier que pour quelqu’un que j’aime suffisamment pour cela, et je lui demanderais donc s’il estime avoir été suffisamment aimable avec moi pour que je puisse l’aimer assez pour me sacrifier pour lui.

En effet, si les mots ont un sens, on ne peut aimer que ce qui est aimable (ou ceux qui le sont), ce qui est détestable (ou ceux qui le sont) ne pouvant qu’être détesté.

Peut-être me ferait-il alors le coup qu’il a fait à Job après que le diable lui ait fait subir mille supplices pour éprouver sa foi, en me faisant la liste de tout ce qu’il accomplit depuis toujours pour que les hommes puissent jouir des bienfaits de l’existence. Mais n’étant pas Job, je lui répondrais que si certes ce qu’il dit est vrai, il n’en reste pas moins vrai que tous les méfaits qui ont lieu, et ont eu lieu sur Terre depuis la nuit des temps, sont aussi de sa responsabilité, car lorsqu’on est tout puissant et qu’on n’empêche pas par exemple les guerres, les famines et autres horreurs du même genre, alors qu’étant tout puissant on le pourrait évidemment, on ne peut qu’être responsable.

Alors lui demanderais-je si honnêtement il estimait vraiment avoir été suffisamment bon à mon égard pour que je puisse envisager sérieusement de me sacrifier pour lui.

Certes ai-je eu assurément plus de chance au cours de mon existence que les malheureux qui, par exemple, meurent ou sont morts noyés en voulant traverser la Manche ou la Méditerranée, mais de toute évidence j’en ai eu aussi manifestement beaucoup moins que ceux qui ont bénéficié de sa part d’une bonne fortune insolente, qui ne pouvait que rendre tous les autres jaloux.

Enfin, je lui demanderais de me dire si ce qui compte, et a toujours compté le plus pour lui était surtout d’être aimé ou d’être craint, car les deux sont selon moi complètement incompatibles, puisque personnellement je suis en effet dans l’incapacité la plus totale d’aimer ce (ou ceux) qui me fait peur, à moins peut-être de devenir pervers, de même que je ne pense pas être capable d’avoir peur de ce (ou ceux) que j’aime, enfin je ne crois pas.

Alors en fonction de la réponse qu’il me ferait, je lui dirais qu’il obtiendrait ainsi là lui-même la réponse à la demande qu’il m’aurait faite à propos du sacrifice que je serais supposé faire pour lui.

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