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Alain G

Ce qui ne nous tue pas ...

Ce qui ne nous tue pas, nous rend-il forcément plus fort ? Dans certains cas oui c’est sûr, comme par exemple quand on a été contaminés par un virus qui nous a certes rendu malade, mais dont on a guéri en produisant des anticorps qui nous protégeront à l’avenir, si d’aventure on venait à se retrouver en contact avec ce même virus, qui du coup ne pourrait plus nous rendre malade à nouveau à moins bien sûr d’avoir muté peut-être. Donc dans ce cas là oui, ce virus, qui nous a rendu malade sans pour autant nous tuer, nous aura bel et bien rendu plus fort, puisque désormais il ne pourra plus nous contaminer. Mais si, bien que nous ne nous ayant pas tué, la contamination par ce virus avait entraîné l’amputation de nos quatre membres, bien que guéris serions-nous dès lors plus fort qu’avant avoir été malade ? Je crains hélas que non. Peut-être le serions-nous effectivement mentalement ou moralement, si cette épreuve nous avait donné une plus grande force de caractère, mais physiquement, il faut bien admettre qu’à l’issue de cette mésaventure nous serions incontestablement plus faibles, et donc évidemment beaucoup moins forts que nous ne l’étions avant d’avoir été contaminés, et d’en être tombés malades, puisque désormais nous devrons vivre sans bras ni jambes. Physiquement, nous serions donc alors de fait très diminués, même si éventuellement le cas échéant intérieurement cette épreuve nous avait forgé accessoirement un mental en acier trempé.

Donc affirmer que dans tous les cas, ce qui ne nous tue pas, nous rend plus fort, me semble être largement de l’ordre de l’incantation, et donc largement abusif. Cela reviendrait en effet à faire somme toute d’un cas particulier une généralité, alors qu’en tant que généralité, cette règle devrait par la force des choses souffrir d’un si grand nombre d’exceptions, qu’on serait en droit de se demander en quoi une règle, qui a tellement d’exceptions, pourrait encore être considérée comme une règle générale, puisqu’en fait elle donnerait plutôt l’impression de n’être juste que l’une des exceptions parmi toutes les autres.

Certes, je comprends qu’il puisse être rassurant de croire que les épreuves de la vie, que l’on parvient à surmonter, nous rendront de toute façon au minimum plus fort, si on réussit à ne pas en mourir, mais dans les faits ça ne semble pas vraiment correspondre à la réalité. C’est vouloir nous faire croire que si on arrive à résister, on en sortira forcément plus fort qu’avant. Mais hélas ça ne semble pas être exact factuellement. Le plus souvent les épreuves que l’on traverse au cours de notre existence, même lorsqu’elles ne nous tuent pas, laissent des traces plus ou moins profondes, et des séquelles parfois très graves qui nous invalident dans certains cas énormément.

Cela me fait penser à cette expression que je trouve personnellement malheureuse, et dont j’ai déjà parlé, à savoir quand on veut, on peut. Tout cela semble participer en effet d’un même mouvement s’inscrivant dans une sorte de culte de l’exploit ou de la performance, un encouragement au dépassement de soi qui viendrait consacrer un principe devenu indiscutable au sein de nos sociétés modernes, celui du triomphe de la volonté, règle absolue très culpabilisante au demeurant, alors que bien évidemment la volonté même la plus grande soit-elle ne pourra jamais rien face au principe de réalité. Toute volonté, fut-elle immense, n’est-elle pas en effet de fait limitée par la réalité qui s’impose à nous tous ? Affirmer le contraire peut nous conduire à croire à des chimères, comme par exemple qu’on parviendra un jour à vaincre la mort ou à rester éternellement jeune. Je ne dis pas que la Science ne finira pas un jour par faire d’énormes progrès en la matière, mais croire qu’elle nous permettra demain ou après-demain d’arriver à ce résultat, me semble en effet largement être une chimère, qui je l’admets ne date cependant pas d’aujourd’hui, ni même d’hier.

De quoi tout de même nous interroger et nous forcer à nous poser cette question qui n’est pas, je crois, sans intérêt : mais quelle est donc cette maladie, qui nous pousse très souvent à vouloir faire d’un cas particulier une règle générale, en nous faisant oublier tout sens de la nuance, lequel nous éviterait pourtant utilement de passer le cas échéant d’un extrême à l’autre, quand il faudrait au contraire nous rappeler judicieusement qu’en toutes choses, il y a fort heureusement presque toujours un juste milieu ?

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