top of page
Rechercher

Chance

Alain G

Dernière mise à jour : 23 avr. 2021

La chance, bizarrement, ce sont ceux qui en ont le plus, qui y croient le moins. Ils prétendent qu’ils ne doivent leur réussite qu’à leur travail, alors qu’ils ont surtout réussi grâce à leur talent, leur intelligence ou leur énergie hors du commun. Et c’est une sacrée chance que d’avoir du talent, de l’intelligence ou de l’énergie. Tout le monde n’en a pas. Quant aux autres, ils croient à la chance comme on croit en Dieu. Car après tout, c’est quoi la chance si ce n’est quelque chose de mystérieux qui favorise ou qui défavorise, la malchance n’étant que la face négative de la même médaille. Alors oui, pourquoi pas Dieu la chance ? Qui croit à la chance croirait donc en Dieu sans le savoir. Et d’ailleurs dans la vie, tout n’est-il pas peu ou prou affaire de chance ou de malchance ?

Né un vendredi 13,  Corentin était destiné à s’interroger sur le sens de cet événement qui porte bonheur pour les uns et malheur pour les autres. Lui, considère qu’il a la poisse. Sans doute est-il trop pessimiste, car de la chance, il en a eu aussi, comme par exemple les fois où il a triché sans se faire prendre. Mais incontestablement, il a ses jours sans comme hier où il s’est fait flasher à 53kms/heure alors qu’il circulait tranquillement en ville. De quoi déprimer le reste de la journée, car en général quand ça arrive, ça n’arrive pas seul. Et en effet, après s’être fait flasher, sa voiture est tombée en panne. Une mauvaise journée parmi de nombreuses autres ou Corentin est-il un peu parano ? En effet, il a l’impression que les choses ne vont jamais comme elles devraient aller, que les policiers sont toujours là quand il commet la moindre petite faute. Il oublie bien sûr toutes les fois où il a commis des infractions sans se faire attraper. Et sur le plan médical aussi, il a le sentiment que le sort s’acharne sur lui, que tout l’accable. A à peine 35 ans, il a déjà du diabète et du cholestérol. Et ce n’est pas tout, après un épisode de coliques néphrétiques il est sujet à des infections urinaires à répétition dont on ne parvient pas à trouver la cause. Et comme si ça n’était pas suffisant, voilà qu’à présent sa prostate lui cause des soucis. Il trouve que ça fait beaucoup pour un seul homme, surtout que tout cela lui tombe d’un coup sur la tête comme une flopée de tuiles successives, l’une après l’autre sans qu’il sache quand elles daigneront bien enfin s’arrêter de lui tomber dessus. C’est oublier un peu vite toutes les autres maladies qu’il a eu la chance de ne pas avoir, mais la nature humaine est sans doute ainsi faite qu’on se souvient davantage des trains qui ont du retard que de ceux qui arrivent à l’heure, à moins bien sûr qu’il ait raison et qu’il existe une conspiration du hasard contre lui, si toutefois c’est bien du hasard dont il s’agit. Né un vendredi 13, Corentin n’a jamais gagné au tiercé ou au loto ni d’ailleurs à aucun jeu d’argent. Malheureux au jeu, il devrait être heureux en amour d’après le dicton. Eh bien pas du tout, deux mariages, deux divorces. A chaque fois sa femme l’a quitté pour un autre. Il est désespéré, se demande ce qu’il a bien pu faire pour mériter d’être seul aujourd’hui. Alors il se réfugie dans son travail auquel il se consacre entièrement d’autant qu’une promotion s’offre à lui. Il redouble donc d’efforts pour l’obtenir, mais voilà qu’un nouveau vient d’être embauché plus diplômé que lui. Le poste qui naturellement lui semblait destiné devient dès lors l’objet d’une compétition entre l’ancien doté d’expérience et le nouveau formé dans la meilleure des écoles. Et bien sûr, ce qui devait arriver arriva et c’est le nouveau qui obtint la promotion. Corentin, déprimé n’en revenait pas. Tous ces efforts pour rien. Décidément, il devait être maudit pour qu’ainsi le sort s’acharne contre lui. Alors pour oublier, il se mit à boire seul chez lui en écoutant la radio. Ce jour-là, un vendredi 13, comme par hasard tandis qu’il se versait un énième verre, la radio allumée, il fut plongé dans une sorte de torpeur quand soudain il entendit ce refrain d’une vieille chanson de Michel Polnareff qui disait « Sous quelle étoile suis-je né ? J’en suis encore à me le demander ».

5 vues0 commentaire

Posts récents

Voir tout

Hypocrisie

Si on me demandait quel serait pour moi le comble de l’hypocrisie, je dirais que les exemples en la matière ne manquent certes pas, mais...

Sacrifice

Je n’ai pas la religion du sacrifice, mais je pourrais éventuellement faire le sacrifice de ma vie pour quelqu’un que j’aime ou, le cas...

Évolutionnaire

Quand j’étais jeune, j’avais, comme beaucoup d’autres jeunes je pense, une vision très idéalisée de la révolution. Et puis j’ai vieilli...

Comments


bottom of page