Dans un système fondé sur la compétition, le but ultime à atteindre est la domination en toutes circonstances. Dominer la situation, ses adversaires, ses concurrents, ses ennemis, être et rester toujours le maître des évènements, des lieux et bien sûr aussi des personnes installées dans ces lieux. Que cela doit être fatiguant à la longue, même si compte tenu du nombre de gens qui le désirent plus que tout, cela doit aussi procurer un plaisir certain.
Et pourtant, peut-être ne suis-je pas normal, mais franchement, moi, dominer les autres ne m’intéresse vraiment pas du tout.
En revanche pouvoir me dominer en permanence, ce qui est loin d’être toujours le cas, est sûrement ce à quoi j’aimerais le plus aboutir.
En effet de mon point de vue quand on veut plus que tout être le maître, on devrait toujours se sentir responsable de ce ou de ceux que l’on envisage de dominer. Un peu comme le maître d’école qui est responsable de ses élèves le temps où ils sont sous son autorité, ou comme les parents qui sont responsables de leurs enfants, parce que ces derniers sont bien sûr de par la loi placés sous leur autorité parentale.
Or moi qui ai toujours plus ou moins voulu fuir les responsabilités, qui n’ai jamais voulu être père (et qui ne le veux toujours pas, et même si c’est possible de moins en moins vu notamment la situation), je trouve étrange que tant de gens puissent le désirer, eux qui sans doute doivent aussi trouver étrange que je puisse ne pas vouloir la même chose qu’eux. Donc il me paraît difficile que l’on puisse parvenir à se comprendre un jour, d’autant que je n’envisage en rien de faire le moindre effort pour y arriver. Il me suffit déjà amplement d’être responsable de moi-même pour ne serait-ce qu'envisager un seul instant de l’être de qui que se soit d’autre, à part peut-être d’un animal de compagnie, genre chien ou chat, mais ayant des tocs, et pas des petits, c’est quelque chose à quoi j’ai dû renoncer, après y avoir bien réfléchi.
On me trouvera peut-être sans cœur, alors que moi quand je vois l’état du monde qui passe son temps à courir après les honneurs et les responsabilités, tout en se montrant si irresponsable vis-à-vis notamment de la nature, ce sont surtout les autres qui constituent ce monde que je trouve manquer sensiblement de cœur, en tout cas qui ne tiennent pas vraiment à cœur d’assumer leurs responsabilités.
En effet, alors que plus jeune j’aurais sans doute aimé assumer des responsabilités au niveau social ou professionnel, mais probablement ne le voulais-je finalement pas assez, aujourd’hui je me contente de baisser les bras et d’attendre en observant ce qu’il va bien pouvoir advenir.
Je ne me fais guère d’illusions car en général le pire finit très souvent par arriver, surtout quand on ne fait pas vraiment grand-chose pour l’empêcher. C’est plutôt pessimiste, je l’admets mais les pessimistes sont, me semble-t-il, souvent aussi plus réalistes. Certes, le pessimisme n’incite pas vraiment à entreprendre quoi que ce soit, mais entreprendre dans l’irresponsabilité me semble au bout du compte terriblement dangereux. D’où ma position actuelle qui consiste juste à attendre et voir ce qui va se passer, tout en faisant toutefois de mon mieux à mon niveau pour que les choses se passent le moins mal possible.
Et oui ce n’est guère très optimiste, mais c’est comme ça, même si dans le même temps je croise quand même très fort les doigts pour que finalement on parvienne tout de même à éviter le pire, et cela même au besoin in extremis, si cela devait être le cas, comme ça l’est d’ailleurs souvent, la vie se déclinant en général plutôt sur un mode tragique que sur un mode comique, je trouve, pas vous ?
Quant à la domination elle-même, il me semble qu’elle attire surtout les brutes, qui ont en eux ce besoin de montrer aux autres qu’ils sont les plus forts. Mais je dois admettre qu’il y a aussi, bien que néanmoins plus rarement, une façon de dominer beaucoup plus douce, sauf qu’elle n’est visiblement pas à la portée de tous. C’est une méthode qui requiert en effet beaucoup de psychologie et d’intelligence, et qui consiste, comme certains y arrivent avec leurs enfants ou leurs animaux de compagnie, à faire faire aux individus que l’on domine, qu’ils accomplissent ce qu’on a envie qu’ils fassent sans qu’ils aient l’impression d’y avoir été obligés, mais comme je l’ai déjà dit ce n’est pas permis à tout le monde, même si c’est là toutefois la seule manière de dominer qui trouve grâce à mes yeux.
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