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Eva, naissance d'un monstre

  • Alain G
  • 4 nov. 2020
  • 3 min de lecture

Dernière mise à jour : 7 mars 2022

Eva n’aimait pas les hommes, mais contrairement à son amie Lucie, qui tout comme elle était homosexuelle, en plus de préférer les femmes Eva détestait vraiment les hommes, et c’est peu dire. L’un de ses livres favoris était d’ailleurs « SCUM Manifesto » de Valerie Solanas, surtout connue pour avoir tenté d’assassiner Andy Warhol. D’où pouvait lui venir cette haine, c’est ce que son amie Lucie aurait bien aimé découvrir, elle qui certes tout comme Eva préférait les femmes, et n’avait réellement aucune attirance pour les hommes, mais sans pour autant avoir d’hostilité à leur encontre, pas plus, disait-elle, qu’elle n’aurait haï les femmes si elle avait été hétérosexuelle.

Mais il se trouvait qu’elle était homosexuelle, et le vivait très bien à présent, même si adolescente elle fut très perturbée quand elle découvrit son penchant indicible. Et d’ailleurs elle n’en parla jamais avant qu’une de ses copines du collège ne lui avoue avoir le même attrait qu’elle pour les personnes de son propre sexe. Après, s’être ainsi ouverte et confiée à son tour à cette copine providentielle à qui elle n’aurait jamais, avant que cela n’arrive, imaginé raconter tout cela un jour, elle avait petit à petit appris à s’accepter sans en vouloir à personne, pas plus aux autres qu’à elle-même. Elle avait donc du mal à comprendre qu’Eva en revanche était si remontée contre les hommes, même si parmi tous les arguments qu’elle pouvait bien utiliser pour leur témoigner tout son mépris, il y en avait certes quelques uns qu’elle partageait aussi. Sauf que le mépris c’était vraiment quand Eva était de bonne humeur, car les autres jours, ça relevait davantage de quelque chose qui aurait pu être considéré comme pathologique, tant ses sentiments à l’égard de la gente masculine étaient excessifs, excessivement négatifs.

Ce qu’Eva, qui se disait épanouie en tant qu’homosexuelle, avait pourtant le plus de mal à accepter, c’est l’idée qu’il lui faudrait peut-être renoncer à son désir de maternité, et c’était vraiment quelque chose qui manifestement la faisait souffrir. Lucie le savait et évitait d’aborder la question avec elle, sauf la fois où elle réussit à la mettre en colère après lui avoir une fois de plus servi sa logorrhée habituelle sur le genre masculin, mais avec peut-être encore plus de violence que les autres fois, au point que Lucie explosa et lui dit : « Tu détestes les hommes, mais tu serais pourtant prête à ce que l’un d’eux te fasse le don d’un de ses spermatozoïdes pour que tu puisses avoir le bonheur de devenir mère. Mais comment avec toute cette haine que tu portes dans tes entrailles, pourrais-tu accepter ne serait-ce que l’idée qu’un petit morceau, fut-il minuscule, provenant d’un homme puisse y pénétrer pour engendrer l’enfant dont tu rêves ? Et que ferais-tu si cet enfant était un garçon, c’est-à-dire que tu le veuilles ou non un petit homme qui finirait bien par devenir grand ?».

Devant cette réaction inattendue de Lucie, Eva fit ce qu’on peut tout à fait appeler une crise de nerfs, mais avec une intensité qui atteignit des sommets. Elle se roula littéralement sur le sol en le frappant de ses poings et de ses pieds avec tellement de rage que Lucie crut qu’elle était devenue folle. Puis tout d’un coup, elle reprit ses esprits, arrêta de s’agiter, se remit debout et alla s’isoler dans sa chambre.

Qu’est-ce qui avait bien pu déclencher une telle réaction ? En voulait-elle aux hommes d’être devenue homosexuelle, et de ce fait de ne peut-être jamais connaître les joies de la maternité ? Pensait-elle que c’était de leur faute qu’elle était ce qu’elle était, ou ce qu’elle était devenue ? Croyait-elle au plus profond d’elle-même qu’elle ne serait peut-être pas homosexuelle si les hommes avaient été différents, c’est-à-dire s’ils avaient été en somme des femmes avec un corps masculin ? Que c’est parce qu’ils étaient tels qu’ils sont qu’elle en était réduite à ne pas pouvoir espérer naturellement devenir mère ? Ou alors est-ce que les revendications féministes de ses débuts s’étaient avec le temps transformées en un combat misandre, à moins bien sûr que sa conception du féminisme ne contenait depuis toujours les germes de la misandrie, ainsi qu’au fond le machisme contient sans doute aussi en lui ceux de la misogynie ? C’était vraiment étrange, et cela faisait penser un peu au film « American Beauty » à la fin duquel on voyait que le plus homophobe des personnages était en fait un homosexuel refoulé. Visiblement, il y avait de la souffrance derrière tout cela, et le pire c’est que cette souffrance avait accouché d’un monstre. Car il faut bien admettre qu’au fur à mesure en Eva naissait le monstre, s’effaçait peu à peu pour la moitié du genre humain rien de moins que son humanité, qui petit à petit devenait comme évanescente, et en fait pour tout dire, c’était plutôt triste à voir.

 
 
 

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