Être de droite ou être de gauche, c’est avant tout me semble-t-il une affaire de sensibilité : on se sent de droite ou de gauche parce qu’on a une sensibilité dite de droite ou de gauche, et ça n’est en général pas très rationnel, sinon comment expliquer que des gens, qui rationnellement auraient tout intérêt à voter dans un sens favorable à la classe sociale dont ils sont issus et dans laquelle ils évoluent, fassent le contraire. En effet, pour simplifier les pauvres auraient tous intérêt à voter plutôt à gauche et les riches plutôt à droite, et pourtant on connaît tous des pauvres qui votent à droite et des riches qui votent à gauche. Ça n’apparaît pas logique, même si quand après coup on les interroge, tous sont généralement capables d’expliquer leur choix qu’ils intellectualisent ou rationalisent, alors qu’à la base ce choix n’est peut-être qu’une affaire de sensibilité innée ou acquise. Et selon moi, ce qui détermine cette sensibilité a surtout trait à la façon quasi instinctive qu’ont les individus d’aborder la vie. Je crois en effet, qu’à part chez les optimistes purs et durs pour qui rien ne peut ébranler cet optimisme, pour la plupart des autres qui ne sont pas forcément pessimistes pour autant, il y a ce constat implacable : la vie est dure, le monde est dur (et peut-être même avec la « droitisation » de ce monde, de plus en plus dur). Or c’est peut-être précisément là, face à ce constat généralement admis par tous, que gens de droite et gens de gauche se distinguent. Pour les uns, puisque la vie est dure, alors soyons durs, c’est la nature qui l’a voulu ainsi. N’ayons pas honte, soyons durs, assumons : c’est la droite décomplexée. C’est le réalisme dur et froid.
Certes, ça ressemble à une caricature, mais comme pour toute caricature n’y a-t-il pas généralement un fond de vérité qui en l’occurrence s’appliquerait surtout aux personnes très à droite, beaucoup des gens du centre droit, eux, ne s’y reconnaissant sans doute pas ?
A gauche, il y aurait en revanche les utopistes, car être de gauche ressemble beaucoup à une sorte d’utopie. C’est l’espérance qui prime sur le réalisme. Pour eux, d’accord la vie est dure, mais c’est juste une question de volonté : il suffirait de vraiment le vouloir et alors il serait possible d’adoucir cette dureté de la vie dans ce monde. Il n’y a qu’à, oui c’est ça l’utopie, le vouloir, même si c’est sûrement un peu plus compliqué que ça, mais ne l’ai-je pas dit c’est une caricature. Il faudrait donc juste que ceux qui composent ce monde le décident vraiment pour rendre la vie moins dure. C’est une question d’organisation : s’organiser de telle sorte que cela soit possible et alors la vie sera moins dure, c’est en gros ça l’idée.
Sauf que voilà qu’un nouveau mot est apparu en politique : le populisme, qu’on devrait à mon avis mettre au pluriel, tant ceux qui s’en réclament peuvent s’étaler d’un bout à l’autre de l’échiquier. On ne sait pas vraiment définir précisément ce concept, mais c’est une réalité qu’il faut bien réussir à nommer, et populisme semble être le mot le plus adapté. En général, on place ce phénomène plutôt à l’extrême droite, mais alors comment expliquer que des gens nombreux qui traditionnellement votaient à gauche, voire à l’extrême gauche, se soient mis à voter extrême droite ? Certes, la sensibilité politique peut évoluer, mais alors varier avec une telle amplitude cela relève plutôt de la révolution des esprits. Est-ce seulement à cause de la crise qui serait une sorte de révélateur politique, comme pourrait l’être par exemple la guerre, si on en croit ceux qui l’ont faite et en ont tiré cette leçon que « rien ne vaut une bonne guerre pour savoir ce qu’ont vraiment les gens dans le ventre ». Je me le demande, mais ce qui est sûr c’est que ce phénomène où qu’on le place sur l’échiquier politique s’étend partout dans le monde. Jusqu’où et jusqu’à quand, je l’ignore mais il semble que ce phénomène s’accompagne d’une sorte de « simplisme » dans le sens où depuis toujours les élus ont eu certes tendance à promettre à leurs électeurs ce que ceux-ci attendaient qu’ils leur promettent mais jamais en allant aussi loin dans la simplification. Plus en effet la société se complexifie et plus les électeurs des populistes attendent de ceux-ci qu’ils leur proposent des solutions simples avec toujours des boucs émissaires à la fin sur qui il est possible de rejeter la faute, comme par exemple l’Europe qui serait responsable du pire alors qu’elle aurait plutôt amené le meilleur si on regarde ses bienfaits au premier rang desquels se trouve en particulier la paix depuis plusieurs décennies. C’est à se demander si pour se faire élire par ces adeptes du simplisme, il n'y a qu'à les caresser dans le sens du poil. Mais quand même en venir à pouvoir confier le gouvernail du navire sur lequel ils se trouvent à un candidat ne sachant pas gouverner mais prétendant malgré tout les conduire à bon port, si ce n’est pas tout simplement avoir perdu la raison, même si c’est par désespoir, alors qu’est-ce que c’est ?
N’étant ni élitiste, ni populiste, car pensant que pour mener le train de la nation (ou de la société) à quai, les deux doivent obligatoirement coopérer, j’en conclue que dans un système où le peuple est souverain, l’élite doit forcément être au service du peuple qui, pour suivre le chemin tracé par l’élite (qui possède le savoir, raison pour laquelle elle est justement l’élite), a besoin d’avoir confiance en elle. Cela ne peut se concevoir que dans un système où la lutte contre la corruption et la fraude est un élément essentiel, l’élite ne devant pas par ailleurs bénéficier d’avantages ou privilèges excessifs, assez pour encourager peut-être les « classes populaires » en raison de leurs mérites à se hisser socialement jusqu’au rang des élites (*), mais pas trop pour que cela n’apparaisse pas exorbitant et ne remette en cause la confiance que le peuple doit avoir à l’égard de son élite pour pouvoir suivre la direction que celle-ci du fait de son savoir et de ses compétences a défini dans l’intérêt général.
(*) Du moins tant que l’on s’inscrit dans le cadre d’une société dont le moteur principal demeure la compétition, la question ne se posant plus ou peut-être moins dès lors qu’on remplace ce moteur par celui de la coopération. Sauf que si la compétition est le moteur de la société humaine, c’est probablement parce qu’elle correspond à la nature humaine, et donc à moins de changer de nature, je vois mal comment l’homme pourrait changer le moteur de la société qu’il a construit et dans laquelle il évolue.
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