JP se disait bi à 20% et homo à 80. Autrement dit, il préférait les hommes, même si à l’occasion il ne disait pas non à une femme, mais de toute façon toujours dans le cadre d’une relation tarifée. JP en effet était une pute qui s’assumait sans scrupule. C’est ainsi qu’il fit la connaissance d’Isa, une femme d’un certain âge qui aimait la compagnie des hommes plus jeunes qu’elle. JP lui plaisait beaucoup d’autant qu’il avait de la conversation, ce qui pour l’intellectuelle qu’elle était n’était pas pour lui déplaire. Au fil des rencontres, une certaine proximité s’installa qui sans être de l’amitié était néanmoins plus que seulement une relation purement professionnelle, tant et si bien qu’il arrivait parfois à Isa de payer JP rien que pour pouvoir discuter avec lui. Elle savait que JP préférait les hommes et voulait en savoir un peu plus sur lui. C’est pourquoi, il lui arrivait de faire venir JP rien que pour l’avoir à sa table et dîner en sa compagnie. JP par ailleurs, sensible à l’intérêt qu’elle lui portait, ne la faisait pas payer à chaque fois en retour. C’est ainsi qu’un soir, ils eurent cette conversation. Isa : En tant qu’homo à 80% comme tu dis, as-tu aussi des amis au masculin qui ne soient pas également tes amants ? JP : Tu sais, je ne crois pas vraiment à l’amitié dans ce monde de compétition. On ne peut pas vraiment être concurrents et amis à la fois, je trouve. Isa : Et à l’amour, tu y crois ? JP : Ça doit sûrement exister, mais je crois surtout à l’amour de l’argent. Cet amour-là, je le vois partout autour de moi et même en moi, car je ne suis certainement pas une exception. En d'ailleurs, sans cela nous ne nous serions sans doute jamais rencontrés. Isa : Tu n’as jamais été amoureux ? JP : Plus jeune, il m’est arrivé de baiser gratos mais depuis que je m’assume comme pute, je ne vois pas pourquoi je ne pourrais pas en tirer aussi un certain profit, ce qui d’ailleurs ne m’empêche pas de prendre également mon pied. Les seules fois où je ne me fais pas payer, c’est quand j’ai envie d’un plan Q plus particulier, SM notamment, et là comme c’est moi qui suis demandeur, c’est même parfois moi qui paye, mais pas toujours, parce que j’essaye au maximum de trouver des pervers comme moi et qui font ça rien que pour le plaisir. Eh oui, on peut très bien être pute et préférer les relations non tarifées. Je sais, c’est un peu loufoque, mais bon, je n'ai jamais dit que je n’avais pas mes propres contradictions. Isa : Tu as toujours été pute ? Tu n’as jamais bossé avant ?
JP : Mais pute c’est un métier : je bosse même si ça ne m’empêche pas de m’éclater. Tu sais, je paye même des impôts. Mais si tu veux savoir si j’ai déjà fait autre chose que de me prostituer, alors oui : après mon bac, j’ai été livreur et ça m’a vacciné. On nous demandait de bosser pour deux mais on nous payait à peine pour la moitié d’un. Moi je trouve que si tu bosses pour deux, tu prends forcément la place d’un autre qui reste au chômage, c’est mathématique ! Et puis là, je suis mon propre patron, c’est moi qui fixe mes horaires et je n’ai pas un sale con de chef qui me gueule dessus. Isa : Oui mais tu dois aussi te farcir parfois des clients difficiles. Tu vas pas me faire croire que c’est toujours rose, ton métier, si ? JP : Bof, peut-être que j’ai de la chance, mais pour l’instant ça va, je ne me plains pas. Et puis, je n’ai pas de gros besoins sans compter que comme tu as pu le constater je ne suis pas une jeune fille fragile qui se fait rackettée par un soi-disant protecteur, un gros mac. Donc, je ne me mets pas la pression, je prends mon temps pour bien choisir mes clients mais aussi mes clientes, si tu vois ce que je veux dire. Isa : Je crois que je vois assez bien, oui ! Et comme cliente, tu me juges comment ? JP : Tu payes bien, même si tu poses beaucoup de questions. Mais ça me va, parce que sinon ça fait longtemps que tu ne m’aurais plus revu. Isa : Tu comptes faire ça toute ta vie ? Il y a quand même un âge où ça sera plus compliqué, tu crois pas ? JP : On verra. Je mets de l’argent de côté et qui sait si je n’ouvrirais pas un commerce par la suite, ou alors si j’ai mis assez de côté, je vivrais peut-être tout simplement de mes rentes. Mais tu sais, je peux très bien mourir demain, alors à quoi bon faire des projets à si long terme, de tirer des plans sur la comète ? Je ne dirais pas que je vis au jour le jour, mais je ne me prends pas trop la tête avec l’avenir, car si ça se trouve comme disaient les punks : no futur ! Isa : Tu crois pas que ta vénalité t’a plus ou moins fait passer à côté de ta vie, la vie que tu aurais pu avoir sans cela ? JP : Mais qui te dit que j’aurais aimé avoir une autre vie ? Et puis, je ne crois pas être si vénal que ça, sinon je t’aurais fait payer à chaque fois, ce qui n’a pas toujours été le cas, il me semble ! Isa : Tu as quand même un rapport assez particulier à l’argent, tu n’es pas d’accord ?
JP : Je ne trouve pas non. Je crois même avoir un rapport relativement sain à l’argent dans ce monde que l’argent gouverne. Tu noteras que je ne suis ni milliardaire ni même millionnaire. Si tu trouves que moi j’ai un rapport particulier à l’argent, que dire alors de ceux qui le sont, millionnaires ou milliardaires ? Ce n’est pas moi qui ai fait le monde tel qu’il est tout de même ! Je fais avec, c’est tout. Admet en effet que c’est plutôt extraordinaire de voir tous les honneurs que l’on rend à ces milliardaires, alors que si tu y réfléchis un peu on devrait au contraire les poursuivre pour non assistance à population en danger, car avec tout l’argent qu’ils possèdent, ils pourraient en faire des choses pour les autres au lieu de ne les faire que pour eux-seuls, ou presque. Isa : Et si tu étais milliardaire que ferais-tu de mieux ? JP : Écoute, pour tout te dire je suis relativement content de ne pas l’être, car je suis plutôt fainéant et franchement si j’étais riche à ce point, je m’écroulerais sous le poids de cette responsabilité, parce que franchement tel que je vois les choses, être vraiment très riche, c’est carrément un métier à temps plein, ou du moins ça devrait l’être. Quand tu as un tel pouvoir, car posséder de l’argent c’est un pouvoir énorme … Imagine un peu tout ce que tu pourrais faire avec autant d’argent. Alors si tu ne le fais pas, tu es responsable de ne pas le faire, pour ne pas dire coupable. Alors comme je suis un peu fainéant, et même plutôt beaucoup, je préfère être dans ma situation, parce que sinon je me sentirais obligé de travailler tellement plus que je ne le fais actuellement pour transformer cet argent que je posséderais en actes ou actions concrètes qui ne soient pas seulement profitables qu’à moi-même. Isa : Je n’aurais jamais pensé que tu avais un tel sens des responsabilités. Tu es encore plus complexe que je ne l’aurais imaginé et ce n’est pas pour me déplaire. Je crois que tu vas me compter parmi tes clientes encore très longtemps (dit-elle en souriant).
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