L'homme

C’est connu, si une femme ne trouve pas d’homme, c’est parce qu’à partir d’un certain âge tous les « hommes bien » sont déjà pris. Il ne reste plus que les tarés, les immatures, les moches, etc…  les femmes, elles, sont hors de cause. C’est évidemment la faute aux hommes. Jérôme, lui, aurait bien aimé trouver une femme, former un couple, mais à 35 ans il était toujours célibataire. Il n’était pourtant ni taré, ni immature, ni spécialement moche, mais il ne trouvait pas. Inscrit dans une agence matrimoniale, toutes les femmes qu’on lui avait présentées avaient rejeté sa candidature. Il ne comprenait pas. Il n’était pourtant pas très exigeant. Certes, il avait un petit défaut : il était très timide, pas très entreprenant, il ne savait pas trop comment y faire avec les femmes. Il décida de prendre le taureau par les cornes et prit rendez-vous avec un coach qui lui révéla ce qui n’allait pas avec lui : Il n’était pas assez viril pour intéresser les femmes ! Il était trop tendre, trop doux, trop faible, ce qui lui dit-il est rédhibitoire aux yeux des femmes qui en général recherchent plutôt une épaule solide sur laquelle s’appuyer. Il lui proposa de le coacher à condition qu’il s’investisse à fond dans cette aventure qui devait le mener à se dépasser. Le problème est que Jérôme aurait voulu rester lui-même et non devenir un autre pour plaire aux femmes. Il refusa donc cette « thérapie » et retourna à ses illusions. Il y avait bien dans le monde une femme qui l’accepterait tel qu’il était. Il se mit à sortir régulièrement en boîte de nuit avec la ferme intention d’inviter ces dames et demoiselles à danser. Mais danser est une chose, engager la conversation en est une autre. Alors il se tourna vers Internet en se disant qu’il était plus facile de se parler sans se voir quand on est timide. Il afficha la plus belle de ses photos et se décrit le plus avantageusement qu’il put tout en restant réaliste. Et le miracle se produisit, car il reçut des réponses et put engager la conversation par écrit, ce qu’il n’avait pas réussi à faire à l’oral. Il savait qu’il y aurait l’épreuve du téléphone mais en attendant il se sentait moins seul et ça l’encourageait. Parmi ses correspondantes, il y avait Julia qui tout comme lui était impatiente de former un vrai couple et fonder une famille. Ils s’étaient écrit si souvent qu’ils leur semblaient déjà se connaître. Aussi quand ils se téléphonèrent, Jérôme parvint à continuer verbalement la conversation qu’ils avaient engagée par écrit, mais malgré tout la timidité était toujours là et cela se sentait, s’entendait, tant et si bien qu’en définitive le coup de fil fut un fiasco. Julia ne lui laissa pas une seconde chance et préféra mettre un terme à cette relation balbutiante. Alors il se tourna de nouveau en direction des agences matrimoniales et continua à espérer. Quand enfin on lui présenta une femme que sa timidité ne répugnait pas, c’est lui qui refusa d’aller plus loin. En effet, Géraldine avait le défaut d’être trop entreprenante, trop dirigiste, en fait trop masculine. Or, c’était bien une femme et non un homme sous des atours féminins qu’il recherchait. Géraldine, elle, aurait bien aimé en faire son mari, mais il n’en voulait pas comme épouse. La directrice d’agence avait beau lui répéter qu’ils étaient complémentaires, lui ne voulait rien entendre de ce discours. C’est ainsi qu’il demeura célibataire encore très longtemps, pour ne pas dire qu’il l’est toujours. De qui ou de quoi est-ce la faute ? Je l’ignore mais une contradiction assez dérangeante ressort de tout cela : un homme avec des faiblesses n’est plus vraiment un homme aux yeux des femmes, alors qu’un homme vraiment fort passe pour un affreux macho. L’Homme doit être fort pour intéresser la Femme, mais s’il l’est réellement, il devient alors souvent critiquable. En conséquence de quoi, il n’a vraiment droit ni à la force ni à la faiblesse. En fait, c’est très dur d’être d’un homme dans ces conditions… c’est peut-être même tout simplement impossible.