La peur d'avoir peur

La peur n’évite pas le danger, donc à priori avoir peur ne servirait à rien pour pouvoir l’éviter, le danger. Autant donc ne pas avoir peur, puisque peur ou pas, le danger, lui, sera là s’il doit y être. Et donc autant s’éviter en plus d’avoir peur par-dessus le marché, puisque de toute façon, si on doit faire face au danger, on y sera confronté quoi qu’il arrive. A quoi bon alors en plus avoir peur ? Autant s’en débarrasser, s’en émanciper.

Encore plus inutile que la peur, il y a la peur d’avoir peur, la peur que l’on a avant d’avoir une bonne raison d’avoir peur. La peur par anticipation. On devrait normalement n’avoir peur que quand il y a une véritable raison à cela, c’est-à-dire quand le danger est bien présent. Alors si on commence à avoir peur avant même qu’il ne soit là, c’est un peu comme si on se mettait à pleurer avant même d’avoir reçu la claque que l’on est sur le point de recevoir. Autant en effet attendre de l’avoir reçue d’abord pour se mettre à pleurer ensuite. Inutile d’anticiper et de se mettre à pleurer avant que la claque n’arrive réellement.

Toutefois la peur a également pour objectif de nous mettre à l’abri, de nous éviter de nous mettre en danger, même si parallèlement elle peut aussi complètement nous inhiber face au danger, littéralement nous paralyser jusqu’à nous empêcher parfois de fuir.

Mais en fait tout ça c’est purement théorique, car quand on a peur, on a peur, un point c’est tout. La peur ne se raisonne pas. Au mieux, on peut peut-être s’y habituer, la côtoyer, vivre avec pour petit à petit le cas échéant se désensibiliser, un peu comme avec les allergies. C’est aussi la méthode que préconisent, il me semble, les tenants de la thérapie comportementaliste : se confronter progressivement à la peur pour s’y habituer et avoir petit à petit moins peur.

Ainsi quelqu’un qui aura peur de l’eau commencera par y mettre juste le bout des pieds, puis les jambes jusqu’à peut-être s’immerger complètement quand la peur sera vaincue, si elle est vaincue, car parfois, si ce n’est même souvent, la peur résiste et persiste.

La peur est un mystère en fin de compte dont j’ai toutefois appris qu’elle ne se conciliait pas, en principe en tout cas, avec l’amour. Je ne crois pas en effet que l’on puisse naturellement aimer ce dont on a peur, et que sauf peut-être exception, quand on aime on n’a pas, voire plus peur.

Mais après tout peut-être ai-je tort, qui sait ?