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La rage ou La tentation de l'engrenage

Alain G

Dernière mise à jour : 7 mars 2020

Moussa a treize ans et dans ses veines coule la haine. Il habite la banlieue et déjà plusieurs fois les schmits, comme il appelle la police, l’ont interpellé. Il faut dire que du haut de ses  treize ans Moussa est déjà un cas. Il n’a peur de rien ni de personne. A l’école, c’est une terreur qui fait peur à ses profs tout comme aux autres élèves. En classe, il n’est pas le dernier à foutre le bordel et il s’en contrefout car de toute façon l’école ne sert à rien. Son grand frère a fait des études et pourtant il est au chômage depuis des années. Les emplois qu’on lui propose, personne n’en veut et parce qu’il vient de la banlieue il faudrait qu’il les accepte avec le sourire, et pourquoi pas aussi leur lécher le cul pendant qu’on y est. Moussa a la rage et n’est pas le seul : ils sont nombreux à vouloir en découdre avec les forces de l’ordre et tout ce qui y ressemble, tout ce qui participe de ce système dont ils ne feront jamais partie. Elle sont où l’égalité et la fraternité qui soi-disant font de la France ce qu’elle est. Il n’y a que la liberté pour ceux qui en ont les moyens et pour les autres les restes, mais Moussa n’en veut pas de ces restes-là. Il fera comme les autres, il dealera et commence déjà. Après tout dealer c’est mieux que voler ou tuer, encore que s’il le fallait, voler ou tuer ce serait mieux que de mendier ou se prostituer comme le font les désespérés qui n’ont pas le courage de la violence. Moussa, lui, n’est pas dans ce cas, la violence, c’est son kif. Avec ses copains, il monte des guet-apens dans lesquels il attire la police afin de la caillasser et de voir les keufs se défiler comme des poules mouillées. Bien sûr ils reviennent ensuite avec leurs chiens et tout leur attirail pour une énième opération coup de poing qui généralement dégénère en fiasco. Ils viennent en principe pour remettre de l’ordre et sèment le désordre, c’est toujours pareil. De l’ordre tu parles, c’est trop tard. Il fallait le faire avant en apportant du vrai travail et pas ces sous-emplois que seuls les plus lâches acceptent. Moussa et ses copains, eux, n’ont pas encore l’âge d’aller travailler, mais plutôt crever que d’aller se faire humilier dans quelque agence pour l’emploi ou autre bureau de placement que ce soit où on ne sait que vous culpabiliser, car évidemment pour eux si on est chômage, c’est parce qu’on le veut bien puisque des emplois non pourvus il y en a. Mais faut voir quel genre de travail : sous-payé ou à l’autre bout de la France, du taf où il faut utiliser son propre véhicule, du démarchage à domicile ou téléphonique, de l’intérim pour deux ou trois jours quand ça n’est pas seulement pour quelques heures etc.. Les fachos diront que nous ne sommes que des fainéants alors qu’ils n’auraient eux-mêmes jamais accepté ces emplois pour eux ou pour leurs enfants. En fait, ils aimeraient nous voir crever de faim et faire de nous ce qu’ils voudraient, mais ils sont mal tombés, car on a la rage. A seize ans, Moussa est toujours aussi révolté et en veut à ce système dont il a été exclu, même si certains diront peut-être qu’il s’en est exclu lui-même. Mais depuis peu sa colère est comme canalisée. Il en veut toujours à la société mais il s’est trouvé une cause à défendre : Dieu ! Tout serait la faute de l’Occident qui opprime les musulmans partout dans le monde. Il s’est trouvé un héros : Oussama Ben Laden, et ne rêve plus que d’aller en Afghanistan ou ailleurs se former dans des camps spécialisés aux techniques de combat. Il veut devenir un martyr, car on lui a promis qu’il irait au paradis et aiderait ainsi tous ses frères à combattre le grand Satan. Enfin sa vie a un sens. Il a un but et compte bien le réaliser avec toute l’ardeur de sa jeunesse. A présent, il fréquente assidûment la mosquée et côtoie de plus en plus souvent des extrémistes musulmans qui lui inculquent un Islam guerrier dans lequel il semble se retrouver, car en fait Moussa a toujours été un guerrier à qui il manquait une cause. Moussa veut se battre. Il lui fallait un ennemi et maintenant il l’a trouvé. Avant, il se battait sans trop savoir pourquoi, et maintenant il est persuadé d’avoir trouvé sa voie. Mais Moussa n’a encore que seize ans et peut-être la vie se chargera de lui faire changer d’avis. Il n’y a guère plus qu’à espérer qu’il se trouve un autre combat à mener, plus licite celui-là !

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