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Un jour mon prince viendra ...

Alain G

Dernière mise à jour : 14 mars 2022

Charlotte se disait tout simplement féministe quand son entourage avait plutôt tendance à la trouver franchement radicale, en particulier Guillaume qui pensait que, sous couvert d’égalité, les femmes comme elle visaient en réalité la suprématie, ce qu’il ne manquait pas de lui rappeler à chaque fois qu’il en avait l’occasion, comme cette fois après une soirée au restaurant où il fut notamment question de princes charmants.


Guillaume : Tu te dis féministe, mais apparemment ça ne te gêne pas vraiment beaucoup que ce soit toujours moi, un homme comme tu peux le constater, qui paye l’addition à la sortie du restaurant ou du bar quand il nous arrive d’y aller.


Charlotte : Mais si tu voulais, j’aurais très bien pu régler la note sans aucun problème. Je voulais juste te donner l’occasion de te montrer galant, ce que les hommes en général trouvent valorisant à ce que je sache.


Guillaume : Ah oui, moi je pensais au contraire que c’était surtout les femmes qui aimaient que les hommes soient galants avec elles. Là tu me dis qu’en fait c’est une faveur que vous les femmes vous nous faites en nous laissant régler l’addition. J’ai l’impression soudain d’être comme récompensé d’avoir fait quelque chose que tu acceptes juste pour me faire plaisir, alors que je croyais à l’inverse que c’était justement les femmes qui prenaient plaisir à ce qu’on paye à leur place, raison d’ailleurs pour laquelle les hommes le font en général depuis toujours : pour vous faire plaisir ! C’est comme si tu me disais que c’était au contraire un plaisir contraint, que dans le fond vous préféreriez payer vous-mêmes mais que vous consentiez à faire un effort en acceptant de nous laisser payer pour nous faire plaisir, à nous, alors que nous on a toujours fait ça parce qu’on pensait que ça vous faisait plaisir à vous. N’as-tu pas comme l’impression d’inverser les données du problème ?


Charlotte : Mais le plaisir peut tout à fait être partagé, et où as-tu vu que c’était un problème ?


Guillaume : Mais c’est un problème depuis que les féministes comme toi ont décrété que les femmes devaient être libres et indépendantes, ce qui veut dire à ce que j’ai cru comprendre ne plus se laisser entretenir. Aurais-je mal compris ?


Charlotte : J’ai peur que oui : ce n’est pas parce que tu payes l’addition que tu m’entretiens.


Guillaume : Sauf quand ça devient systématique.


Charlotte : Tu veux dire que ça te ferait plaisir si je payais de temps en temps à ta place ?


Guillaume : Ben oui, pourquoi pas ?


Charlotte : Parce que je pensais que c’était une question de fierté masculine.


Guillaume : Moi je crois surtout que ça vous arrange bien de le penser afin de pouvoir conserver les privilèges que vous aviez quand vous dépendiez des hommes, alors que ce temps est en principe révolu au moins en droit. La galanterie en effet n’était-elle pas une sorte de contrepartie que les hommes vous accordaient en échange de la domination qu’ils exerçaient sur vous, privilèges qu’apparemment vous souhaitez garder tout en ne subissant plus cette domination masculine ? Donc oui il y a quand même bien comme un problème. C’est comme cette histoire de Prince Charmant auquel vous n’arrêtez pas de vous référer.


Charlotte : Quoi encore avec ce Prince Charmant ? Décidément tu fais une fixation sur lui ma parole. Si j’avais su que tu serais revenu encore une fois là-dessus, jamais je ne t’en aurais parlé tout à l’heure, ah non mais franchement quand même tu me saoules.


Guillaume : Parce que toi quand tu as regretté, pendant que nous étions à table, que les hommes ne savaient plus aujourd'hui être des princes charmants pour les femmes, tu n’étais pas soûlante peut-être ?


Charlotte : Mais enfin, j’ai dit ça pour plaisanter, pour te taquiner un peu, c’était juste pour rire.


Guillaume : Tu avais pourtant l’air d’être très sérieuse quand tu plaisantais soi-disant.


Charlotte : En bien oui, c’est comme ça, il faut savoir plaisanter sérieusement pour parfois produire son effet, tu l’ignorais ?


Guillaume : Ce que je n’ignore pas en tout cas, c’est qu’il y a pas mal de mauvaise foi dans tes propos, et dans ceux des femmes en général qui rêvent du Prince Charmant en reprochant très souvent aux hommes sur qui elles projettent leurs fantasmes d’histoires à l’eau de rose de ne pas correspondre à ces fantasmes.


Charlotte : Oh là là, mais qu’est-ce qu’il y a de mal à rêver du Prince Charmant. Au contraire, c’est vous faire honneur que de vous élever au rang de prince, en outre charmant, quand on flashe sur vous, tu ne trouves pas ?


Guillaume : Ce que je trouve, c’est qu’apparemment pour les femmes pour être charmant il faut d’abord être prince.


Charlotte : N’importe quoi, un boulanger, un plombier, un ouvrier quel qu’il soit pourrait très bien faire office de prince charmant aux yeux de la femme qui serait amoureuse de lui.


Guillaume : Alors pourquoi faut-il que vous utilisiez le mot prince pour désigner cet homme, pourquoi ne pas vous contenter de le désigner comme étant un homme charmant, un homme tout simplement, pas un prince ?


Charlotte : Parce que un homme ordinaire ça ne fait pas assez rêver tout simplement, on a besoin de vous sublimer pour pouvoir vous aimer encore plus.


Guillaume : Donc c’est bien ce que je pensais, il faut que ça brille à vos yeux pour que vous puissiez tomber amoureuses. Ça craint. Moi je n’ai pas du tout envie que l’on me compare à un prince, qu’il soit charmant ou pas, pour pouvoir être attirée par moi. Je ne veux pas être un prince, je veux juste être moi, non pas que je n’aurais pas pris de plaisir à jouir de la bonne fortune attachée à ce titre si je l’avais été, mais ne l’étant pas je ne désire pas qu’on cherche à ce que je sois ce que je ne suis pas, un point c’est tout.


Charlotte : Tu compliques tout, les choses sont beaucoup plus simples que ça. Même s’il n’est que balayeur, et je n’ai rien contre les balayeurs, la femme amoureuse verra en lui un prince, voila tout.


Guillaume : Un prince qui un jour viendra, et pourquoi au juste faut-il qu’il vienne ? Ne pourriez-vous pas à présent que vous êtes émancipées partir aussi à sa recherche ?


Charlotte : Chercherais-tu à nous reprocher de ne pas vous draguer par hasard ?


Guillaume : Et quand bien même cela serait, qu’il y aurait-il de mal à ce que vous daignez, vous aussi, aller à la rencontre de l’homme au lieu de toujours attendre qu’il vienne à vous ? Encore un de ces anciens privilèges dont j’ai déjà parlé et auxquels vous vous accrochez ?


Charlotte : C’est comme ça, la femme est la fleur qui par son parfum attire l’homme à elle. C’est dans la nature des choses.


Guillaume : C’est surtout très commode. La femme n’a rien à faire, juste attendre, et le cas échéant reprocher à l’homme de ne pas venir. Si vous étiez amenées, vous aussi, à draguer, pour reprendre le terme que tu as utilisé, vous verriez alors que ce n’est pas si facile, et peut-être regretteriez vous très vite le temps où vous n’aviez qu’à vous laisser « draguer » au lieu d’avoir à le faire maintenant à votre tour, sans compter que quand c’est l’homme qui s’en donne la peine, vous ne vous privez pas par ailleurs de critiquer, pour ne pas dire plus, ceux qui auraient le malheur de mal s’y prendre, ce que je peux toutefois comprendre au demeurant quand l’insistance dont peuvent faire preuve certains vient à s’apparenter à de l’agressivité, car il ne faut pas tout mélanger.


Charlotte : Eh bien oui, c’est comme ça, et que tu le regrettes ou non ça risque fort de l’être encore longtemps, sinon toujours.


Guillaume : Ah bon, tu as l’air de t’en satisfaire, alors que je croyais justement que les féministes le déploraient. Finalement quand ça vous arrange, vous vous en accommodez, et quand ça vous dérange, vous critiquez. Quelle hypocrisie !

Mais ne t’en déplaise les choses qu’avant vous vouliez tant voir changer, sont peut-être bien en train de changer finalement peut-être davantage que vous ne le souhaitiez vraiment, et qui sait si demain, contrairement à ce que tu crois, ce fameux Prince Charmant auquel vous rêvez tant, il ne vous faudra pas en définitive ne plus seulement attendre qu’il vienne, mais aller aussi à sa recherche. Et là vous verrez ce que c’est.


Charlotte : Eh bien nous verrons, mais pour le moment ce n’est pas le Prince Charmant que j’attends, mais plutôt le moment où cette discussion s’arrêtera afin que je puisse aller me coucher. Voilà !

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