L’ai-je rêvé, l’ai-je vécu ? Si je l’ai rêvé, je ne l’ai pas moins vécu … vécu certes en rêve, mais vécu tout de même !
C’était après avoir lu le livre de Jacques CAZOTTE « Le diable amoureux ». Je me souviens distinctement m’être posé la double question suivante : Si Dieu est amour, le diable pourrait-il aimer sans être lui-même Dieu ? Et donner au diable le nom de Dieu changerait-il le mal en bien et vice versa ?
Puis je me suis assoupi quand soudain un homme m’est apparu. Il se disait être le diable en personne et voilà ce que nous nous sommes dit.
-Moi : Mais qui êtes-vous et que faites-vous ici ?
-Le diable : Je suis le diable et je viens te visiter. -Moi : Sortez ou j’appelle la police ! -Le diable : Je ne suis pas un voleur. -Moi : Sans blague, le diable n’est pas un voleur, c’est un scoop ! -Le diable : Ce sont les hommes qui volent, pas moi. -Moi : Mais si tu es le diable, cela t’arrange bien, non ? -Le diable : C’est comme un jeu, je les soumets à la tentation et je gagne quand je réussis. -Moi : Tu es donc foncièrement mauvais, car tu aurais pu aussi bien gagner à le leur éviter. -Le diable : C’est dans ma nature. -Moi : C’est bien ce que je dis, tu es mauvais par nature. -Le diable : Ça dépend de ce que tu entends par mauvais. Est-ce moi ou les hommes qui le sont ? Je ne fais que les inciter et je n’ai pas besoin de beaucoup me forcer pour y arriver. Sans moi, crois-tu que le monde serait différent ? -Moi : Alors à quoi sers-tu si le monde aurait été le même sans toi ? -Le diable : Tu as une vision trop utilitariste du diable. Pourquoi faudrait-il que je serve à quelque chose ? J’existe, c’est tout ! -Moi : C’est là où le bât blesse car je ne crois pas en toi. Je n’ai pas besoin de ton hypothèse pour expliquer le mal. Cette conversation me semble surréaliste.
-Le diable : Et pourtant j’existe puisque je suis là.
-Moi : Je dois rêver, ce n’est pas possible autrement.
-Le diable : Admettons que tu rêves, j’aurais au moins existé dans ton rêve. Et pour un rêve, admet qu’il est très réaliste.
-Moi : Je crois en Dieu, mais pas au diable. Je crois que Dieu n’a pas besoin du diable pour faire le mal s’il le souhaite. Le mal existe tout comme existe le bien, et les deux sont le fait de Dieu puisqu’il est par définition (ma définition) tout ce qui existe.
-Le diable : Qui t’a dit que j’étais le mal et Dieu le bien, pas moi en tout cas !
-Moi : Si tu n’es pas le mal, à quoi sers-tu ?
-Le diable : Je me répète, pourquoi faudrait-il que je serve à quelque chose, j’existe c’est tout. Et puis, entre nous, c’est en général moi que l’on sert et non l’inverse. Ce n’est donc pas tant à moi de servir à quelque chose qu’aux autres d’avoir une utilité pour moi. Je dirais juste que j’existe et qu’importe pourquoi.
-Moi : Mais si justement, pour quelle raison existes-tu ?
-Le diable : Pour la même raison que toi-même tu existes, parce que Dieu l’a voulu !
-Moi : Oui mais moi je ne suis pas connoté comme toi.
-Le diable : Si tu veux parler de ma réputation, je n’en suis pas l’auteur, pas plus que toi tu n’es responsable de la tienne.
-Moi : Tu ne serais qu’un bouc émissaire ?
-Le diable : Je suis aussi ça si tu veux en revenir à ta vision utilitariste du diable.
-Moi : Ce n’est pas que je souhaite t’attribuer une utilité pour que tu puisses exister, mais comme je trouve que tu ne sers à rien d’autre finalement que de bouc émissaire, pour moi tu n’es qu’une création humaine.
-Le diable : Même si je n’étais que ça, j’existerais au moins comme tel.
-Moi : Et ça te convient ?
-Le diable : C’est toi qui dit que je ne suis que ça. Je recouvre tellement de réalités différentes.
-Moi : Le problème, c’est que pour moi tu ne peux pas être réel.
-Le diable : C’est parce que je ne suis pas fait de la même réalité que toi.
-Moi : En fait, tu voudrais que je crois en toi, car tu as besoin de ça pour exister. Or moi je n’ai pas besoin de ton hypothèse pour croire au mal. Et si tu n’es pas le mal, tu n’es rien d’autre qu’un bouc émissaire inventé par l’homme pour se décharger de sa culpabilité. D’ailleurs, c’est souvent sous la forme d’un bouc qu’on te représente en général.
-Le diable : Je ne suis pas responsable de la forme qu’on me donne.
-Moi : Je ne crois pas au mal absolu. Je crois qu’une chose est bien ou mal par rapport à une autre et non en elle-même. Je crois que tuer quelqu’un, c’est mal en principe mais si ce quelqu’un s’apprête à en tuer des milliers d’autres et que la seule façon de l’éviter serait de le tuer, alors c’est un mal nécessaire, un mal moins grand que celui de ne rien faire et laisser les milliers d’autres gens mourir.
-Le diable : T’ai-je dit le contraire ?
-Moi : Alors que me veux-tu ?
-Le diable : Je ne te veux rien, si ce n’est ce que je fais actuellement, c’est-à-dire parler avec toi.
-Moi : Pourquoi avec moi ? -Le diable : Parce que précisément tu ne crois pas en moi. -Moi : Quel intérêt ? -Le diable : Faut-il qu’une chose ait de l’intérêt pour exister ? -Moi : Je suppose que non, mais je me demande pourquoi. -Le diable : Peut-être pour te montrer que le diable lui aussi peut être amical, voire même qui sait tomber amoureux, puisque c’est justement la question que tu te posais, n’est-ce pas ? -Moi : Sauf que pour moi si tu es capable d’aimer, tu es Dieu … enfin un aspect de Dieu, une de ses facettes. A ces mots le diable disparut et je ne l’ai jamais revu. L’avais-je rêvé, j’en suis encore à me le demander …
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