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Alain G

Le malheur des autres

Dernière mise à jour : 8 mars 2020

Je n’ai plus goût à rien. Je me sens épuisé. Plus de volonté, plus d’énergie, plus d’envie, je me sens vide. Je ne sors presque plus. La vie me semble pénible, insupportable, mais je n’ai pas le courage d’y mettre un terme. J’ai essayé ou plutôt voulu essayer, mais à peine avais-je pris la décision de me supprimer que j’ai été envahi d’un sentiment de tristesse si profond que je n’ai pas pu passer à l’acte. Cette tristesse était comme palpable, étouffante, irrésistible, comme du sable mouvant dans lequel on est prisonnier, à croire que la mort et la tristesse sont faites de la même matière, à croire que la mort, c’est la tristesse éternelle. De quoi vous donner la chair de poule. Me voilà donc coincé entre la vie et la mort. La vie me semble insupportable mais la mort, c’est peut-être encore pire, eh oui la mort c’est peut-être pire que la vie, car rien n’est pire que la tristesse qui ne s’en va pas, qui refuse de partir, qui s’incruste, qui s’obstine, qui colle à l’âme plus fort que la glu. Il faut donc continuer à vivre malgré tout ou plutôt survivre en se disant que le malheur des autres est peut-être encore plus grand. Pour m’en convaincre, je regarde la télé et les exemples sont légion. Aux infos, les catastrophes sont quotidiennes : untel a tout perdu, ses biens et ses proches, il pleure mais remercie le ciel de lui avoir laissé la vie ; tel autre a eu un accident et ne peut plus bouger. Paralysé à vie, il ne pourra plus jamais marcher, bouger comme avant, ni même faire ses besoins comme autrefois, et pourtant il se dit heureux de ne pas être mort. Sont-ils tous des menteurs ou est-ce moi le problème ? J’ai honte de me sentir si mal alors que le malheur des autres est tellement plus grand. Mais je n’y peux rien, je n’arrive pas à me réjouir du fait que mon malheur est plus petit que celui des autres. Cela ne me réconforte pas et si cela était, ne serais-je pas un salaud de me réjouir de ce que le malheur des autres est plus grand que le mien ? Moralité : le malheur des autres ne fait pas mon bonheur, mais bien au contraire, compassion aidant, il accroît mon propre malheur, la honte en plus de ne pas me sentir mieux. Il n’y a donc rien à faire, si ce n’est essayer d’oublier et dormir. Mais dormir, c’est aussi rêver et rêver c’est aussi faire des cauchemars. Bref aucune issue, juste vivre et subir. Ça doit être ça la condition humaine. Du moins, ce serait vrai s’il n’y avait aussi des gens tout à fait heureux. Car le bonheur existe et j’aurais bien aimé en avoir ma part si cela avait été possible. Mais je dois visiblement faire partie de ceux à qui le bonheur ne sied pas. Ce qui est sûr en revanche, c’est que le malheur des autres ne fera jamais mon bonheur, que le fait de savoir les autres encore plus malheureux que moi ne me rendra pas plus heureux pour autant. Et d’ailleurs, peut-on vraiment être heureux en sachant les autres malheureux ? Ne serait-ce pas pour le moins égoïste, voire carrément dégueulasse ? Qu'on puisse éventuellement ressentir du réconfort à l'idée que l'on ne soit pas les plus malheureux, je peux l'entendre, mais qu'on aille jusqu'à s'en réjouir ... et puis honnêtement en quoi savoir la vie encore plus dure pour les autres la rendrait concrètement moins dure pour soi-même ? Non, franchement, le fait de savoir les autres encore plus malheureux que moi, loin de me consoler, aurait au contraire plutôt pour effet de me désoler encore plus. C'est comme ça, je n'y peux rien. Je suis fais ainsi. Voilà tout.

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