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Alain G

Les copains d'avant

Dernière mise à jour : 23 mai 2021

Nous étions quatre qui nous connaissions depuis le lycée et nous fréquentions même en dehors, notamment quant après le bac, toujours célibataires et étudiants, nous sortions ensemble le week-end en boîte de nuit. Cela ne dura pas une éternité, car on ne reste pas étudiant toute la vie, ni en général célibataire. Chacun finit par faire son petit trou social et puis pour deux d’entre nous, il y eut le mariage qui arriva finalement assez vite. Quant au troisième (moi étant le quatrième) qui était entré dans la police et avait été muté dans la capitale, honnêtement je ne sais pas ce qu’il est devenu, et à vrai dire je ne me le suis jamais réellement demandé non plus, bien qu’à part le demander aux deux autres qui m’avaient depuis oublié, je ne vois pas comment j’aurais pu le savoir. Leur demander, je me refusais catégoriquement à le faire, car aller les voir alors qu’ils étaient en couple, ou même simplement les appeler, on aurait pu dire que je venais tenir la chandelle, et puis eux non plus ne m’ont plus jamais appelé ni ne sont plus jamais venu me voir, bien que je demeurais toujours à la même adresse et n’avais pas changé de numéro de téléphone. Eux cependant, et ce n’est pas rien, étaient motorisés, alors que moi je ne l’étais pas encore à cette époque. Il aurait fallu pourtant que ce soit moi qui aille chez eux à pieds, en bus ou à vélo au besoin, à moins que bien sûr je ne les appelle pour qu’ils viennent me chercher ou simplement qu’ils viennent me rendre visite, comme autrefois. Plutôt humiliant, non ?

Vint le jour du mariage. Pour le premier, à qui certes j’avais jadis fait savoir que je n’aimais guère participer à ce genre de festivités, ne m’y sentant pas très à l’aise, je ne fus invité qu’au vin d’honneur. Pour le mariage du second en revanche j’étais bel et bien convié en tant qu'invité à part entière et pas seulement au vin d'honneur comme ce fut le cas pour le premier, mais je ne reçus l’invitation qu’au début de la semaine à la fin de laquelle il devait être célébré. J’eus l’impression alors de n’être qu’une sorte de bouche-trou dont on s’était finalement souvenu à la dernière minute, et je déclinais bien sûr l’invitation sans toutefois omettre d’envoyer néanmoins une plante au nouveau couple en guise de cadeau.

Un jour, ayant un problème de santé, je ne sais plus lequel, sans doute bénin, je me suis retrouvé dans la salle d’attente du cabinet médical que fréquentait aussi l’épouse de celui qui ne m’avait invité qu’au vin d’honneur. Je ne l’ai pas reconnue tout de suite mais seulement après plusieurs minutes à me demander où j’avais bien pu la rencontrer, car à ma décharge cela faisait quand même un bail que je ne l’avais pas revue, et puis je ne la connaissais en vérité pas plus que cela. Je connaissais surtout son mari en fait et n'avais pas vraiment eu le temps ni l'occasion d'apprendre à mieux connaître celle qui devint assez vite son épouse. Quand enfin je la reconnus, j’allai la trouver en m’excusant de ne pas l’avoir fait plus tôt. Et voilà qu’elle me fit quasiment une scène en pleine salle d’attente devant tout le monde et me reprocha notamment de ne plus venir les voir. Quelques jours plus tard, culpabilisé par cette rencontre un peu spéciale, et depuis enfin équipé d’un véhicule automobile, j’allai donc les revoir, mais en vain car la magie, si je puis utiliser ce mot pour parler de notre ancienne complicité, avait bel et bien disparue.

Quand j’y repense aujourd’hui, c’est comme si on m’avait reproché de leur avoir fait ce qu’en fait eux-mêmes m’avaient fait, c’est-à-dire de m’avoir littéralement laissé tomber une fois installés dans la vie, alors que je ne leur avais jamais fait de mon côté le moindre reproche, considérant cela en effet dans l’ordre des choses : une fois mariés ou en concubinage, surtout avec des enfants, où trouver le temps en plus du travail, de la famille, des embouteillages et tout le reste pour les copains d’avant. L’amitié c’est bon pour la cour de récréation, mais une fois devenu adulte et surtout en couple, il n’y a plus guère d’amitié, juste à la rigueur des preuves d’amitié qui permettent seulement de dire à la fin du film si ceux-là ont été amis ou pas !

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