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Les pauvres

Alain G

Dernière mise à jour : 5 févr. 2022

Emmanuel MACRON a admis qu’il avait pour objectif de responsabiliser les pauvres, parce que, a-t-il dit, il y en a qui font bien, mais il y en a qui déconnent.

Il ne me semble pas qu’il ait en même temps précisé qu’il voulait aussi responsabiliser les riches. J’en déduis donc que pour lui, même quand par exemple ils mettent leur argent dans des paradis fiscaux, ils ne déconnent jamais et font, eux, toujours tout bien.

Certes, on pourrait trouver un début d’explication à ce parti pris dans le fait que les pauvres ne financent en général que rarement, voire pas du tout, les campagnes électorales. Mais il faut aussi se dire qu’en tant que premier d’entre eux, le président, surtout s’il veut se faire réélire, se doit de faire siennes les opinions que les français ont à ce sujet à une époque où, alors que l’assistance aux plus démunis a pourtant toujours été un devoir que toutes les grandes religions du monde ont imposé et imposent encore à leurs fidèles, l’assistanat est devenu, par je ne sais quelle opération non pas du Saint Esprit, un cancer. Rendez-vous compte, un cancer, ce n’est pas rien tout de même. Quel dévoiement, vous ne trouvez pas ?

Et même sans en référer aux religions, assister les plus faibles, hormis peut-être dans quelques régimes extrêmes, a semble-t-il été ce que moralement la plupart des sociétés civilisées ont cherché de tous temps à promouvoir, enfin autant que je crois le savoir.

Cette idée que les pauvres ne sont en fait que des fainéants, que les plus nantis en auraient à présent marre d’entretenir moyennant un pognon de dingue, vient à l’origine de l’extrême droite avant d’avoir été adoptée par la droite, quand ce n’est pas même devenu un thème que l’on reprend parfois aussi maintenant à gauche, mais bien sûr est-on forcément de gauche parce qu’on adhère à un parti dit de gauche ? Vaste débat en perspective !

Cette droitisation des idées, voire aujourd’hui peut-être même extrême droitisation, voudrait tordre le cou une bonne fois pour toute à la solidarité, car au fond c’est bien à la solidarité qu’on en a lorsqu’on attaque l’assistance apportée aux plus pauvres, assistance baptisée depuis assistanat. Je ne dis pas pour autant qu’il ne conviendrait pas non plus peut-être de remettre tout le système de prestations sociales à plat, de prendre le temps (plusieurs années) d’en débattre avec tous les acteurs et les intervenants afin de le réformer au besoin, à condition que s’il devait y avoir des perdants, au nom du principe des droits acquis, on laisse ces perdants continuer à bénéficier des avantages acquis sous l’ancien système jusqu’à terme, tout en permettant aux gagnants du nouveau régime d’avoir accès au bénéfice du nouveau système le plus vite possible. Certes, cela coûterait au début peut-être un peu plus cher, mais pourrait aussi être de nature à économiser une révolte, voire une révolution qui elle aussi peut coûter très cher. Et au bout du compte peut-être qu’après cet « audit » on y verrait plus clair, et qui sait serait-ce là aussi l’occasion d’une certaine manière de refonder le contrat social, grâce le cas échéant à l’adhésion collective massive qui pourrait émerger après cette vaste concertation visant à dégager un consensus, du moins si on fait bien les choses comme elles doivent être faites, c’est-à-dire avant tout sans précipitation, consensus qui aujourd’hui semble apparemment plutôt faire défaut. Mais sachant comment fonctionne le monde politique en général, il ne faut peut-être pas trop rêver non plus.

Cette haine (ou au minimum ce rejet) du pauvre me semble quasi générale aujourd’hui dans tous, ou presque tous, les pays riches. Mais après tout était-ce autrement avant ?

A quoi est-ce dû ? Même si je n’ai pas assez de recul pour pouvoir l’affirmer sans risquer de me tromper, et il faudrait donc plutôt interroger les spécialistes s’il y en a pour espérer trouver un semblant de réponse plus ou moins certaine, personnellement, j’aurais tendance néanmoins à dire que cela tient au moins en partie à un certain penchant qu’ont les hommes qui possèdent à ne pas se laisser déposséder. De Gaulle n’avait-il pas dit d’ailleurs que les possédants étaient littéralement possédés par ce qu’ils possèdent ?

En gros, on pourrait donc plus ou moins résumer ce phénomène en un seul mot qui serait somme toute : cupidité, ou encore avidité. Je parle évidemment des plus riches qui, eux, peuvent avoir recours au chantage à la délocalisation ou au déménagement, dès qu’on envisage d’augmenter leurs contributions fiscales, mais aussi des classes moyennes (qu’il faudrait peut-être commencer par définir exactement avant d’en parler – sourire), obligées de compenser ce que les classes aisées ont réussi à économiser par leur chantage, mais à qui apparemment ces classes moyennes ne sembleraient pas trop en vouloir, préférant tourner leur animosité vers les pauvres assimilés à des assistés, assistés dont certains bizarrement peuvent aussi parfois soutenir politiquement ceux qui promettent pourtant de mettre fin à l’assistanat. Ces derniers s’imaginent peut-être que l’abolition de l’assistanat ne s’appliquera alors qu’aux pauvres d’origine étrangère, sinon comment expliquer ce paradoxe ?

En effet, les pauvres, bien qu’il y en ait aussi beaucoup ayant la nationalité du pays riche dans lequel ils vivent, viennent souvent également de l’étranger, en particulier de pays pauvres, en tout cas bien plus pauvres que les pays riches dans lesquels ils souhaitent se rendre.

On parle alors de racisme, et en effet il faudrait être aveugle pour ne pas le voir, même si bien sûr il n’est pas non plus systématique, du moins je l’espère. Cependant, moi je crois que c’est surtout de la pauvreté dont on ne veut pas quand il est question de racisme plus que des étrangers eux-mêmes. Car je suis persuadé que si on demandait aux français de dire s’ils ne préféreraient pas finalement faire venir en France je ne sais quel étranger musulman ayant en outre la particularité d’être noir, mais qui serait très riche, à la place d’un français de souche tout à fait blanc, bien que je ne sache pas précisément ce que cela peut bien vouloir dire français de souche, français qui serait par exemple retenu à l’étranger pour avoir perdu ses papiers et qui aurait le fâcheux défaut d’être pauvre, je ne suis pas sûr que la réponse qu’ils donneraient alors serait aussi évidente que d’aucuns pourraient le supposer. De la même manière qu’ils plébisciteraient plutôt peut-être bien un joueur de football noir très doué à un joueur blanc moins doué qui serait du coup moins susceptible de faire gagner l’équipe nationale.

N’avait-on pas en effet clamé ZIDANE PRESIDENT après la victoire de la France en coupe du monde ?

Ce sont les pauvres en général qu’on aime pas, plus que les étrangers, car si les étrangers qui voulaient venir en France étaient tous riches, on les accueillerait sûrement les bras ouverts, c’est du moins ce que je crois. Je ne dis pas bien sûr qu’il n’y aurait pas des exceptions à cette règle, comme toujours, car comme chacun sait ou devrait le savoir, s’il n’y a pas d’exception, il ne saurait y avoir de règle, puisque comme on me l’a appris, et à vous aussi j’imagine, c’est toujours l’exception qui confirme la règle. Il faut donc au minimum une exception, voire bien davantage, pour qu’on puisse parler de règle, ce que je trouve on aurait toutefois tendance à oublier par les temps qui courent. En effet est-ce une illusion d’optique ou y a-t-il réellement de moins en moins de place pour le gris entre le blanc et le noir de nos jours ?

Mais il ne faudrait pas s’imaginer non plus que les pauvres sont tous des saints ou des martyrs. Il y en a aussi qui sont de vraies crapules, voire bien davantage, mais je ne crois pas que ce soit la majorité d’entre eux. Je dirais même que c’est sans doute une minorité dont les premières victimes sont justement la majorité des pauvres, qui au contraire est paisible et se tient tranquille tout en devant subir la présence de cette minorité agissante parmi elle. Mais comme ce sont évidemment ceux qui font le plus de bruit qu’on entend le plus, ce à quoi s’ajoute cette tendance que je crois on a tous plus ou moins et qui consiste à généraliser, au final on en déduit trop souvent que cette majorité est en fait toute pareille à cette petite minorité très bruyante.

Et d’ailleurs pourquoi faudrait-il que les pauvres soient tous pareils ? Les riches le sont-ils ?

Le problème serait de savoir qui aurait le plus besoin d’être responsabilisé : les pauvres ou les riches ?

Partant du principe qu’un grand pouvoir implique une grande responsabilité, il faudrait se demander qui a le plus de pouvoir dans nos sociétés : les riches ou les pauvres ?

Je ne crois pas trop me tromper en disant que ceux qui n’ont rien ou pas grand-chose ont très peu, voire pas du tout, de pouvoir. C’est donc plutôt les riches qu’on devrait responsabiliser, ou du moins les appeler à assumer leurs responsabilités à la hauteur de leur pouvoir financier. Et puisque l’argent c’est du pouvoir d’achat et que tout s’achète ici bas, n’aurait-il pas été plus judicieux de rappeler aux riches qu’ils peuvent aussi s’acheter une conscience avec leur argent plutôt que de vouloir culpabiliser les pauvres d’être pauvres ? En effet, au lieu de crier Haro sur les pauvres, ne devrait-on pas plutôt, tout comme jadis on disait « Noblesse Oblige » dire à présent « Richesse Oblige » ? Car une bonne fois pour toute, la pauvreté est-elle créée par les pauvres qui la subissent ou par les riches qui s’accaparent de toute la richesse ? De la même manière, croit-on vraiment que ce sont les chômeurs qui créent le chômage, les licencieurs ou les personnes fortunées qui pourraient avec leur argent créer des entreprises et ne le font pas n’y étant pour rien ?

C’est sur les pauvres que pèsent les contraintes en général, ce sont eux qu’on culpabilise.

Quand on leur accorde une aide c’est généralement sous condition, alors qu’on ne le fait guère avec les riches. Un chômeur doit s’inscrire à Pôle Emploi et s’engager ce faisant à rechercher activement un travail pour pouvoir être indemnisé, alors qu’un employeur qui reçoit des aides n’a aucun compte à rendre à ma connaissance. Et on peut dire qu’en cette période de pandémie due au COVID-19, les employeurs ont bien été aidés, sans que cela ait eu l’air de beaucoup déranger, à croire que ceux qui sont hostiles à l’assistanat des pauvres sont en revanche très favorables à l’assistanat des riches. Ainsi à titre d’exemple, l’employeur n’est même pas obligé de passer ses petites annonces de recrutement par Pôle Emploi, quitte à le faire bien sûr aussi ailleurs s’il le souhaite, pour que toutes les offres soient au moins centralisées dans un même endroit, ce qui permettrait d’éviter au moins un peu aux demandeurs d’emplois de se disperser à chercher le plus souvent vainement dans toutes les directions. Non rien. Ce n’est que sur les plus faibles que pèsent les contraintes et les obligations, c’est-à-dire les plus pauvres en général, bien qu’évidemment les choses ne sont pas aussi simples que cela, dans la mesure où on trouvera aisément à n’en pas douter des patrons qui ne sont pas très riches et au contraire des chômeurs recevant une grosse indemnisation, encore qu’à mon avis ça doit être assez marginal si ça existe. Mais bon que signifie concrètement responsabiliser un pauvre sinon le culpabiliser d’être pauvre. En effet s’il n’a pas les codes nécessaires pour s’enrichir, à qui la faute ? Au pauvre qu’il est, responsable de sa pauvreté, ou aux riches qui ne l’aident pas à s’enrichir, en ne lui montrant pas comment faire pour y arriver ou en ne l’accompagnant pas à cette fin, préférant garder jalousement ce savoir pour eux seuls ?

Comment en effet dans un système ultra compétitif pourrait-il y avoir encore de la place pour une réelle coopération entre classes que tout oppose ?

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