J’appelle simplets (ou simplistes) les adeptes du simplisme. J’appelle simplisme toutes ces théories actuelles ou courants de pensée (populisme, complotisme, conspirationnisme, …) qui consistent à trouver des solutions simplistes (ou simplettes) à des problèmes complexes.
Je n’ai bien sûr aucune hostilité vis-à-vis de la simplicité ou de la simplification quand elle est possible, mais comme l’a très bien dit, plutôt d’ailleurs désabusé à ce sujet, François Hollande lorsqu’il était président : « La simplification, c’est compliqué ».
En effet, quand c’est complexe, c’est complexe, et vouloir alors simplifier cette complexité peut rapidement aboutir à la transformer en complications. Au minimum, cela demande du temps, beaucoup de temps, le contraire de toute forme de précipitation, de tout jugement à l’emporte-pièce, quelque chose qui se conçoit sur le long terme, voire le très long terme, une réflexion qui se nourrit des apports extérieurs et donc volontiers plutôt horizontale que verticale, c’est-à-dire l’inverse de ce qui pourrait être imposé par une élite située au sommet qui se croirait supérieure. Quelque chose donc qui viendrait après obtention d’un consensus.
Une société qui se développe, qui évolue, devient forcément plus complexe qu’à ses débuts, à l’image de ce que nous sommes à présent par rapport à ce que nous étions lorsque la vie se trouvait encore à l’état d’organismes cellulaires ou multicellulaires primitifs, c'est-à-dire sous des formes beaucoup plus simples que les formes de vie plus évoluées que l’on rencontre aujourd’hui. L’évolution que ce soit au niveau de la nature ou au niveau social va toujours dans le sens d’une plus grande complexité, puisque dans le cas contraire il s’agirait de régression : nous redeviendrions ainsi à nouveau des organismes moins évolués, des êtres primitifs avec des cerveaux plus petits, bref on referait le chemin à l’envers.
Au niveau technologique aussi le progrès va en principe vers toujours plus de complexité. Et on ne peut pas à priori appliquer les mêmes règles à quelque chose qui était encore simple et à quelque chose qui est devenu complexe. Il faut adapter ces règles au niveau de complexité auquel on est arrivé. Ainsi par exemple, lorsqu’on se déplaçait en vélo (quand l’auto n’existait pas encore ou en était tout juste à ses premiers balbutiements), nous n’avions pas besoin de permis de conduire, pas besoin de code de la route (si ce n’est éventuellement à l’état rudimentaire), pas besoin de leçons de conduite comme c’est le cas aujourd’hui, ce que tout le monde est en mesure de comprendre. Alors pourquoi subitement maintenant voudrions-nous appliquer des remèdes simplistes à un fonctionnement de la société qui est de plus en plus complexe, car tout le monde devrait également être en mesure de le comprendre : on ne gère pas une mégalopole comme on pourrait avoir à gérer un petit village, tout comme on n’aura pas besoin des mêmes compétences selon qu’on devra faire avancer un pédalo ou un paquebot. Ça me semble être du bon sens. Certains auraient-ils donc perdu ce bon sens pour demander comme ils le font, peut-être sans vraiment en avoir conscience, à ce qu’on revienne à des principes anciens, à priori plus simples, qui régissaient un état moins développé pour les appliquer à un état devenu infiniment plus complexe. On ne peut que se retrouver de cette manière dans l’impasse.
Ça ne veut pas dire qu’il ne faut pas faire en sorte que cette complexité demeure au moins dans les grandes lignes abordable par ceux qui, n’étant pas des professionnels, devront néanmoins vivre avec elle et s’y confronter, mais cela ne veut pas dire non plus pour autant qu’il faille absolument maîtriser cette complexité pour pouvoir l’appréhender. En effet, il n’est pas par exemple nécessaire d’avoir une connaissance exhaustive d’une machine pour pouvoir l’utiliser. Ainsi même si je ne suis pas en mesure de réparer mon automobile lorsqu’elle tombe en panne, je reste malgré tout capable de la conduire sans être obligé de savoir comment techniquement elle fonctionne. Toutefois même s’il faut toujours essayer de faire les choses pour qu’elles restent les plus simples possibles pour l’utilisateur final non spécialiste, il est important de ne pas non plus tomber dans le simplisme, non ?
Aussi peut-être de même qu’on nous apprend très tôt à nous méfier lorsque c’est trop beau pour être vrai, faudrait-il également apprendre désormais à le faire quand c’est trop simple pour être juste ou exact, ne trouvez-vous pas ?
Que dirait-on en effet si, bien que n’ayant aucune compétence médicale, je déclarais être en mesure de guérir le cancer à l’aide d’une recette de grand-mère, et que des gens, assez bêtes ou tellement désespérés pour m’en croire capable, viennent me consulter ?
Que dirait-on en encore si on décidait qu’il fallait à présent appliquer aux appareils électroniques sophistiqués les mêmes règles commerciales que celles auxquelles sont soumis des outils plus élémentaires ne nécessitant guère en général la lecture préalable d’une notice pour pouvoir s’en servir, et qu’on décrète donc que pour simplifier les choses on livrera désormais ces appareils suivant la même procédure que pour ces outils basiques, c’est-à-dire entre autre sans être obligé de les fournir accompagnés d’un mode d'emploi ou d'une notice explicative ?
Mais une chose est de ne pas tomber dans le simplisme, autre chose est de vouloir moderniser à marche forcée sans prendre le soin de faire en sorte que tout le monde soit en mesure d’y faire face, d’imposer le progrès sans se soucier de ceux qui ne seront pas capables de l’assimiler pour une raison ou une autre, bref sans faire attention à ce qu’il n’y ait pas d’exclus ou d’abandonnés en cours de route. Il faut évidemment que toute mesure qui rajoute de la complexité d’une manière ou d’une autre veille toujours à ce qu’elle soit assimilable par tous, ce qui suppose nécessairement des adaptations en fonction du niveau de chacun, puisque en toute logique tous les individus d’une société ne sont jamais ou alors très rarement au même niveau. Si on met au point une règle qui injecte davantage de complexité dans le système, il faut bien sûr prévoir toutes les exceptions qui vont avec, et plus la société sera complexe, plus les exceptions seront nombreuses, avec même comme disait un prof que j’ai eu quand j’étais étudiant, des exceptions aux exceptions qui ne sont pas forcément des retours à la règle, car oui … quand c’est complexe, c’est complexe !
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