Beaucoup l’ont constaté : il n’est pas toujours facile de déposer plainte, en tout cas quand l’infraction pour laquelle on souhaite le faire est difficile à prouver.
Il arrive souvent alors qu’on se retrouve confronté à un agent de police qui a la fâcheuse tendance à vouloir vous en dissuader, vous orientant dès lors plutôt vers une déclaration de main courante.
Mais il se trouve qu’il n’est pas non plus toujours facile de déposer une main courante lorsque, voulant faire enregistrer des faits étant survenus dans votre existence, vous savez très bien que ces faits ne sont pas en l’état susceptibles de faire l’objet d’une plainte en bonne et due forme. Vous pensiez en effet que cet enregistrement ne poserait pas plus de problème que de mettre une lettre à la poste, et vous vous apercevez qu’en fait il vous faudra batailler dur pour que l’agent affecté à cette tâche ne finisse par y consentir.
Au début, je croyais que c’était parce qu’ils avaient pour consigne de filtrer les affaires afin de ne pas surcharger inutilement les services, et ne retenir que celles qui méritaient effectivement de faire l’objet d’une procédure. Toutefois, ce raisonnement, surtout envisageable pour les dépôts de plaintes, ne m’apparaît pas très pertinent en ce qui concerne les mains courantes qui ne sont que de simples déclarations ne donnant généralement pas lieu à un traitement particulier de la part ni de la police ni de la justice, bref un simple enregistrement de faits litigieux. J’ai donc été assez étonné quand il m’est arrivé d’avoir à effectuer cette démarche (dans le cadre des suites de l’agression que j’ai subi de la part de mon voisin, et surtout de son complice, ainsi que je le relate notamment dans « Police de classe » ou encore « Composition pénale ») de devoir insister lourdement pour que le policier en face de moi ne daigne bien consigner les faits que je venais exposer dans le registre des déclarations de mains courantes.
Alors pourquoi donc cette réticence des policiers à enregistrer les faits que l’on vient leur signaler ? Et si c’était tout simplement parce que cette opération nécessitant un effort d’écriture, tous les agents, assignés à cette tâche, n’étant pas forcément à l’aise avec la rédaction et l’orthographe, faisaient le maximum pour ne pas avoir à en passer par là, ce que je n’ai moi-même aucune difficulté à comprendre dans la mesure où, collégien, les dictées étaient pour moi une véritable épreuve qui me semblait avoir été imaginée par de véritables pervers sadiques, puisqu’au bout du compte malgré tous mes efforts, cette épreuve aboutissait systématiquement à un zéro sur vingt.
Depuis bien qu’ayant quelque peu progressé, je reste tolérant vis-à-vis de celles et ceux qui ont du mal en la matière à condition toutefois que, comme ça peut arriver, ils ne se montrent pas eux-mêmes intolérants vis-à-vis d’autres qui auraient encore plus de problèmes qu’eux dans ce domaine. Eh oui, ça existe. Mais quoi qu’il en soit, c’est quand même problématique de devoir se battre contre l’agent en charge des mains courantes pour qu’il veuille bien faire le travail pour lequel il est payé. Mais bon, étant tenace et j’y suis quand même parvenu. Je ne suis pas sûr de l’avoir fait à bon escient, les deux fois où c’est arrivé dernièrement, mais depuis que je me suis fait agressé, je ne laisse plus rien passer. Et même si la première fois il n’est pas certain que mon voisin ait vraiment été responsable des faits que j’ai été rapporter au poste de police, je n’ai pas hésité à aller les faire enregistrer au commissariat comme étant potentiellement son œuvre. Il s’agissait en l’occurrence de ma boîte aux lettres, encore elle, dont on était parvenu, j’ignore comment, à retirer l’étiquette sur laquelle était indiqué mon nom. Peut-être était-ce quelque plaisantin venant de l’extérieur qui s’était amusé à ce petit jeu, mais pour moi, tout comme chat échaudé craint l’eau froide, la première idée qui m’est venue à l’esprit, c’était que mon voisin en était l’auteur.
La deuxième fois en revanche, il n’y avait aucun doute quant à l’identité de celui dont il était question : mon voisin bien sûr. Cette fois, il s’était agi d’une histoire de tapis qui disparaît, le tapis que mon voisin mettait devant sa porte pour s’essuyer les pieds avant d’entrer chez lui. J’avais bien remarqué quand j’étais sorti de chez moi ce jour-là qu’il n’était plus à sa place, mais sur le coup je m’étais dit que c’était peut-être la femme de ménage qui l’avait mis de côté pour pouvoir accomplir son travail, comme elle le faisait habituellement. Sauf qu’on était samedi et qu’elle était donc en repos ce jour-là. Je me suis alors immédiatement mis à espérer qu’il avait enfin fini par se décider à déménager, jusqu’à ce que revenant chez moi dans la nuit de samedi à dimanche, mon voisin ne m’accoste juste quand j’entrais dans l’immeuble. En fait il m’attendait pour ainsi dire en voulant faire croire qu’il s’agissait d’un hasard. Il devait sans doute m’avoir guetté depuis la fenêtre donnant sur la place par laquelle je passais pour rentrer chez moi, et s’était arrangé pour me croiser juste quand j’ouvrais la porte d’entrée. Son but était de pouvoir me demander si ce n’était pas moi qui lui avais pris son tapis. Comme j’avais décidé de ne plus jamais lui adresser la parole, j’ai passé mon chemin sans chercher à discuter, laissant juste échapper de ma bouche un « c’est ça » teinté de mépris et de moquerie pour lui signifier que je n’étais pas dupe. En effet pour moi, son tapis il l’avait tout simplement rentré chez lui pour pouvoir par la suite m’accuser. Ce n’était juste pour moi qu’un prétexte, afin de pouvoir m’adresser la parole. Pourquoi ? Je n’en sais rien, pas plus que je ne sais davantage pourquoi il y a maintenant plus de cinq ans, il s’était amusé à bourrer ma boîte aux lettres de prospectus, y déposant aussi au passage une boîte de préservatifs, ce qu’il justifia en disant aux policiers à ce propos qu’il n’avait fait que refaire ce qu’on lui avait fait, sous-entendu que c’est moi qui avait commencé, et que lui n’était en définitive que la victime. Et aussi étonnant que cela puisse paraître, alors que mon voisin était connu des policiers de ce commissariat, c’est lui que la police aussi bien que le procureur ont décidé de croire, et je n’en reviens toujours pas, ah non vraiment je n’en reviens pas.
Alors à supposer que j’ai raison, je ne sais pas ce qu’il pouvait bien espérer obtenir de ma part en cherchant à me parler comme il l’a fait, si ce n’est mon mépris le plus absolu, à moins bien sûr qu’on lui ait effectivement volé son tapis, ce qui est en effet tout à fait possible, puisque c’était déjà arrivé autrefois à d’autres locataires et même à plusieurs reprises. Mais si vraiment c’était le cas, il faut vraiment qu’il se sente persécuté par moi pour avoir immédiatement pensé que j’ai pu être l’auteur de ce vol, tout comme il y a cinq ans il a prétendu ne m’avoir mis dans ma boîte aux lettres prospectus et autres préservatifs que parce qu’il était certain que j’en avais fait autant avec sa propre boîte aux lettres, alors qu’il y a quand même neuf appartements dans cet immeuble et donc autant de locataires, c’est-à-dire de coupables potentiels.
Je le précise parce que bien sûr je serais étonné qu’il ait été poser la même question à propos de son tapis à tous les autres locataires, puisqu’à ma connaissance il ne l’avait pas fait non plus au sujet des prospectus et des préservatifs qu’on lui aurait mis dans sa boîte voilà plus de cinq ans de ça, la police ayant sans doute bien sûr mieux à faire qu’à vérifier si ce qu’il disait était vrai, alors que moi je croyais justement que c’était précisément ça enquêter. Étonnant tout ça, non ?
Donc, soit il a tout imaginé pour tenter de me parler, et dans ce cas dans quel but, je me le demande, ou soit il est à deux doigts de faire des délires de persécution, et dans ce cas je suis manifestement en danger. Mais comme la police estime que ce ne sont que des enfantillages, attendons, sans toutefois l’espérer, que le drame n’arrive afin que des enquêteurs dignes de ce nom veuillent bien enfin faire leur travail, travail qu’ils n’auraient pas manqué de faire déjà il y a cinq ans à n’en pas douter, si j’avais été puissant, riche ou célèbre.
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