top of page
Rechercher

Merde !

Alain G

Dernière mise à jour : 4 juin 2021

Pour Arnaud, 17 ans, la vie c’est vraiment de la merde. Il maudit le jour où il est né et reproche à ses parents de l’avoir fait naître. Il ne voit rien de bien dans la vie. Il faut se battre tout le temps, se battre pour avoir de bonnes notes, se battre pour se faire respecter dans la cour de récréation ou dans la rue, se battre pour ne pas se faire marcher sur les pieds, se battre même pour plaire aux filles… Il n’a que 17 ans et il en a déjà marre. Il sait ce qui l’attend : se battre de plus belle pour trouver un travail et se battre pour le garder, se battre pour trouver un logement et se battre pour payer le loyer, se battre toujours et encore… Il est fatigué et voudrait que cela cesse. Il n’est pas venu au monde pour vivre ainsi. Il ne veut pas de cette vie trop dure, de cette société de robots, de ce monde compliqué et hypocrite. Il voudrait une autre vie, une vie plus simple, moins angoissante, mais il sait que c’est impossible. Il y aurait bien le suicide, mais il n’est pas courageux et se dit que peut-être après, s’il y en a un, c’est pire encore … qui sait si l’enfer n’existe pas. L’enfer, c’est déjà ici-bas, mais on peut toujours imaginer pire encore. Alors le voilà coincé et pour cela il en veut à la terre entière. Des amis, il n’en a pas ou disons qu’il n’en a plus. En fait, il ne croit pas en l’amitié ou plutôt il n’y croit plus. Dans ce monde de compétition, comment peut-on être amis et concurrents ? Alors il s’isole parce que, dit-il, c’est plus honnête, même si c’est plus dur. Ça serait plus simple d’y croire ou de faire semblant d’y croire, mais il n’y arrive pas. Du coup il déprime encore plus. Pour s’évader, en cachette il fume parfois un pétard, mais l’effet n’est que temporaire et puis ça finit par coûter cher. Alors, il va sur Internet discuter avec des jeunes qui comme lui n’en peuvent plus de cette vie, de ce monde. Il chatte et trouve du réconfort à ne pas se savoir seul dans ce cas. Il lie connaissance et se fait même des amis virtuels, lui qui pourtant ne croit plus en l’amitié. Cinq ans plus tard, n’ayant jamais redoublé, Arnaud se retrouve en quatrième année de médecine. Sa réussite lui donne de l’assurance et éloigne quelque peu ses idées noires. Son chemin semble tout tracé : il sera médecin et peut-être même chirurgien. Il commence à y croire et se sent mieux dans sa peau. Dans les couloirs de la fac, il croise Carine et c’est immédiatement le coup de foudre. Comme l’attirance est réciproque, très vite ils se fréquentent intimement. Carine est en première année, mais a du mal à suivre. Elle envisage de changer d’orientation et pense à devenir infirmière. Avant même la fin de l’année, pressentant l’échec, elle s’inscrit dans une école de formation à cette profession. Et comme prévu, elle échoua à son examen, tandis qu’Arnaud continuant sur sa lancée passait en cinquième année. De fait, l’an prochain, ils seraient séparés, mais demeuraient décidés tout de même à rester ensemble et former un couple malgré la distance. Les années passèrent et c’est ainsi qu’Arnaud devint docteur en médecine, tandis que Carine obtenait son diplôme d’infirmière. Rapidement, préférant travailler à l’hôpital plutôt que de s’installer à son compte, elle obtint un poste dans une clinique, alors qu’Arnaud choisit de continuer ses études pour préparer une spécialité en cardiologie.

Ils s’installèrent ensemble et vécurent ainsi jusqu’à ce qu’Arnaud devienne cardiologue. Désormais bien installés dans la vie, ils se marièrent et envisagèrent de faire des enfants. A vrai dire, c’est surtout Carine qui voulait être mère, car Arnaud, ayant bonne mémoire, se souvenait du temps où il reprochait à ses parents de l’avoir mis au monde. Néanmoins, il ne voulait pas perdre Carine et se laissa donc entraîner dans cette aventure. Il devint père d’un petit Valentin qui fit le bonheur de sa mère et de toute la famille, tandis que lui devant cette nouvelle responsabilité se sentait comme à l’étroit dans son costume. Il pensa : « Merde, comment vais-je donc faire pour lui faire aimer ce monde, moi qui si longtemps l’ai détesté ? Que ferais-je si à son tour il me reproche de l’avoir fait naître, à moi qui, plus jeune, pensais que la vie ne valait pas la peine d’être vécue et qui au fond le pense toujours un peu, ou qui du moins estime que cette opinion n’est pas totalement sans fondement ? »

7 vues0 commentaire

Posts récents

Voir tout

Hypocrisie

Si on me demandait quel serait pour moi le comble de l’hypocrisie, je dirais que les exemples en la matière ne manquent certes pas, mais...

Sacrifice

Je n’ai pas la religion du sacrifice, mais je pourrais éventuellement faire le sacrifice de ma vie pour quelqu’un que j’aime ou, le cas...

Évolutionnaire

Quand j’étais jeune, j’avais, comme beaucoup d’autres jeunes je pense, une vision très idéalisée de la révolution. Et puis j’ai vieilli...

Comments


bottom of page