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Petite magouille entre amis

Alain G

Dernière mise à jour : 20 juin 2021

A l’époque où j’étais "l’assistant juridique" de la mairie qui m’employait, je m’occupais entre autres des marchés publics. J’en ai élaboré quelques uns, essentiellement des marchés de gré à gré c’est-à-dire des marchés d’un montant inférieur à un certain seuil et, qui en vertu du code des marchés publics, demandaient le respect d’une procédure réduite au minimum, ce qui bien sûr en faisait du coup les marchés préférés des personnes publiques en général, du moins je le présume. En effet, avec ces marchés, sous couvert d’un formalisme de pure forme, il était, et je suppose, il est toujours possible de choisir l’entreprise avec laquelle on souhaite traiter sans trop avoir à se justifier. C’est pourquoi, on faisait tout ce qu’on pouvait pour rester en dessous de ce seuil, en coupant notamment en tranches les marchés qui auraient dû être passé normalement en une seule fois, enfin quand ça pouvait se faire bien sûr sans être trop voyant. C’est seulement quand ça n’était plus possible qu’on se résignait à lancer un appel d’offres dont l’encadrement formel avait ceci de particulier qu’il était beaucoup plus contraignant. C’est ainsi que j’eus à m’occuper du marché de restauration des cantines de la commune, le seul dont je fus chargé à devoir être conclu par appel d’offres. J’en ai rédigé toutes les clauses bien que je ne connusse et que je ne connaisse toujours pas grand chose à la restauration en elle-même. Mais puisqu’on me l’a demandé, je l’ai fait, car c’était surtout pour moi l’occasion de mettre en pratique concrètement les connaissances acquises pendant mes études. Une fois les pièces dûment établies, le marché fut lancé et vint la veille du jour de l’ouverture officielle des plis. J’étais sur le point, ma journée terminée, de quitter ce qui me servait alors de bureau à l’intérieur duquel se trouvait également le coffre dans lequel étaient conservés, entre autres, les plis contenant les propositions des entreprises ayant répondu à l’appel d’offres, quand la secrétaire du secrétaire général vint chercher les enveloppes contenant les offres relatives à ce marché. Surpris, sur le ton de la plaisanterie, je lui fis remarquer qu’il était interdit d’ouvrir les plis avant la date d’ouverture officielle. Elle bredouilla je ne sais plus trop quoi et revint quelques secondes après accompagnée du secrétaire général en personne et de la représentante de la société avec laquelle la mairie avait traité l’année précédente de gré à gré comme c’était encore possible cette ultime fois. Tous étaient tout sourire, et j’en fis autant avant de les saluer et de repartir chez moi. Le lendemain, je fus invité à assister comme si de rien n’était à l’ouverture des plis matériellement effectuée par le secrétaire général lui-même, sans que personne évidemment n’eut la curiosité ni le réflexe de vérifier au préalable que les plis n’avaient pas déjà été ouverts. Je ne fis aucune remarque cautionnant du coup moi de même la régularité de la procédure en cours. Aurais-je dû le faire et risquer au mieux de me faire mettre au placard, voire pire, ou ai-je bien fait de me taire et rester à ma place ? Aurais-je dû aller voir le maire et lui raconter ce que j’avais vu sans savoir si le secrétaire général ne faisait pas qu’obéir à ses consignes ? Qu’auriez-vous fait à ma place ? A votre avis, y a-t-il eu pré-ouverture des plis en cette fin de journée-là ou se sont-ils tous trois contentés d’observer les enveloppes, de les soupeser afin de tenter d’en deviner le contenu ? Toujours est-il que l’entreprise qui avait traité avec la mairie l’année précédente de gré à gré fut à nouveau retenue pour traiter en tant que moins-disante avec la commune dans le cadre de l’appel d’offres. A votre avis, a-t-elle été choisie parce que comme le disait le secrétaire général il fallait faire très attention à ne pas traiter avec d’éventuels margoulins, d’où la tendance à ne traiter qu'avec les seules entreprises soi-disant sérieuses que l’on connaissait, ou bien y avait-il autre chose derrière tout cela de moins glorieux ? Personnellement, j'ai quand même un doute. Mais quand même que la vie est belle et les gens sympas et surtout si honnêtes ! Et aussi quelle belle hypocrisie, car quand on ne veut pas tenter le diable, on ne lui en offre pas la possibilité bien emballée sur un plateau doré. Ceux qui ont pensé la procédure suivie, à moins d’être vraiment très naïfs, ce qui m’étonnerait énormément, en étaient bien conscients. Pourquoi n’ont-ils pas prévu que le dépôt et l’ouverture des plis se feraient ailleurs qu’en mairie ? N’y avait-il pas que l’embarras du choix pour éviter que les maires, voire secrétaires généraux ou autres, ne soient après coup soupçonnés de fraude ? Cela aurait pu avoir lieu en préfecture ou sous-préfecture, dans un commissariat, une gendarmerie ou dans un tribunal, les endroits neutres pouvant servir à cet office ne manquent pourtant pas, non ?

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