Robert : Tu n’as jamais remarqué qu’en général lorsqu’on accorde une aide aux pauvres (Revenu Minimum d’Insertion, Revenu Social d’Activité …), on le fait toujours moyennant une contrepartie, alors que quand on attribue une aide aux entreprises, et donc plutôt aux riches car la plupart du temps les actionnaires de ces entreprises le sont, on le fait sans condition ?
Jacques : On considère sans doute que l’argent distribué aux pauvres est une perte sèche, alors que l’argent accordé aux riches est un investissement qui produira des effets bénéfiques en retour dont la société toute entière profitera. Une sorte de ruissellement qui s’opérerait à la manière d’une montagne imaginaire dont on arroserait le sommet et dont la base finirait par bénéficier des retombées. Et puis, si on aidait pas les entreprises, elles fermeraient et licencieraient, ce qui créerait du chômage dont les premiers affectés seraient ceux qui ont besoin de travailler, faute de pouvoir vivre de leurs rentes.
Robert : Balivernes que ces discours convenus qui reproduisent un schéma éculé. On donne aux riches parce qu’ils sont riches et qu’on préfère les riches aux pauvres. C’est ainsi qu’on honore rarement un pauvre, alors qu’on gratifie habituellement les riches de tous les honneurs. Je ne connais pas beaucoup de pauvres qui ont eu la légion d’honneur par exemple, alors que la liste des riches qui l’ont reçue n’en finit pas. On invite rarement un pauvre à sa table, alors qu’on serait honoré si un riche ou puissant acceptait d’y venir. C’est dans la nature de l’Homme, je le crains, que de n’aimer que ceux qui brillent.
Jacques : Tu es bien pessimiste ! Même s’il n’y a pas que du faux dans ce que tu dis, ce n’est peut-être pas non plus totalement vrai. Si tous les économistes, ceux de droite comme ceux de gauche, tiennent tous ces mêmes discours avec certes des variantes plus ou moins marquées, c’est sûrement que les théories qui les sous-tendent ont été maintes fois vérifiées par le passé.
Et puis si tu avais complètement raison, le projet d’un revenu universel en vertu duquel riches et pauvres recevraient tous un même revenu de base, ne serait même pas envisagé.
Robert : Et tu trouverais juste qu’un milliardaire ou millionnaire reçoive en plus de tout ce qu’il possède déjà de l’argent au titre de ce revenu universel, argent dont il n’aurait aucun besoin, mais qui viendrait en revanche faire défaut aux pauvres à qui il serait au contraire si nécessaire ? Cela reviendrait en fin de compte à prendre une partie de l’argent qui aurait pour vocation à revenir logiquement aux pauvres pour la distribuer aux riches, ce serait quasiment vouloir dépouiller les pauvres un peu plus pour enrichir encore plus les plus riches. Et tu trouverais ça normal ?
Jacques : Vue sous cet angle en effet l’idée du revenu universel perdrait de son intérêt. Mais alors que pourrait-on faire ?
Robert : Et bien tout simplement instituer un revenu minimum non conditionné comme l’a été au contraire le RMI ou l’est encore aujourd’hui le RSA, un revenu qui ne soit ni d’insertion ni d’activité ou quoi que ce soit d’autre, un revenu minimum accordé sans condition à tous ceux qui seraient en dessous de ce minimum, un point c’est tout. Est-ce qu’on demande aux entreprises à qui on accorde des aides à coup de milliards de fournir la moindre contrepartie ? Alors pourquoi faudrait-il que ceux qui sont en bas de l’échelle aient à se justifier si ceux qui sont tout en haut n’ont pas à le faire ?
Jacques : Peut-être parce que justement c’est ceux qui sont en haut de l’échelle qui payent le plus d’impôts qui servent entre autre à financer ces aides accordées aux plus pauvres ! Et ce n’est donc pas à ceux qui reçoivent cet argent de demander des comptes à ceux qui le donnent, mais tout l’inverse, ne crois-tu pas ?
Robert : Les pauvres seraient donc débiteurs des riches qui pourraient se permettre de fixer leurs conditions. Ce serait en quelque sorte une forme d’aumône en définitive. Mais moi je croyais qu’on appartenait à une même nation et que dans une nation la question ne se pose pas en terme de dette ou de crédit mais de contribution nationale de tous en fonction de leurs moyens. Car sinon alors on devrait aussi faire payer aux plus riches, qui généralement sont restés à l’arrière, la dette que représente le nombre incalculable des pauvres qui sont morts au cours de toutes les guerres que les puissants de ce monde se sont déclarées au nom de la nation mais très souvent aux fins de défendre leurs intérêts bien personnels.
Jacques : Si tu en appelle au sentiment national, alors là effectivement … mais j’ignorais que tu étais si nationaliste !
Robert : Mais ce n’est pas parce qu’on parle de nation qu’on est nationaliste, enfin !
Jacques : OK, OK, je n’insiste pas, alors brisons-là !
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