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Viril ou La culture des incultes

Alain G

Ils traînent dans les cités, tiennent les murs comme on dit, ont le plus souvent échoué leurs études, sont sans emploi et en l’état hélas grandement inemployables, ce sont les jeunes des banlieues, ceux qui font peur aux bourgeois et qui font régulièrement depuis des années la une des journaux.

Ils disent aimer les femmes sauf les chiennes et les putes, celles qui ne se respectent pas et ne respectent pas l’Homme, car ce sont d’abord de jeunes hommes et ils tiennent à ce qu’on les respecte, ce qui en clair veut dire qu’on les craigne. C’est la loi des cités, celle du plus fort.

Une fille bien est une vierge qui s’habille de manière à ne pas les provoquer et de préférence porte le voile. Les filles bien ne sortent pas le soir, ne traînent pas dans la rue, restent à la maison, font leurs devoirs et s’occupent du ménage.

Les chiennes sont celles qui les quittent pour un autre et les putes celles qui ne sont plus vierges … celles qui se sont déjà fait trouer comme ils disent et auxquelles ils s’autorisent parfois à mettre le feu, les putes, à moins qu’ils ne s’agissent des chiennes, car à vrai dire la différence entre une pute et une chienne est souvent vague dans leurs bouches et souvent les deux termes sont utilisés l’un à la place de l’autre.

Pire qu’une chienne ou une pute, il y a les homosexuels. Une telle haine fait penser immanquablement au film « American Beauty » dans lequel un officier militaire américain très homophobe s’avérait être à la fin un homosexuel refoulé.

Chez les barbares aussi on opprime les femmes et les homosexuels. C’est une tradition que parfois on érige en précepte religieux.

Karim, lui, avait quitté la Barbarie pour la France, pays des droits de l’homme, homosexuel ou pas. En France, pensait-il, il pourrait vivre son homosexualité en plein jour. Il ignorait que les choses ne sont pas les mêmes selon qu’on se trouve au centre des grandes agglomérations ou en banlieue, là où se retrouvent tous ceux qui n’ont pas les moyens d’habiter en centre ville. Il allait découvrir que la barbarie qu’il avait fuie n’était guère différente de celle qu’il allait rencontrer dans les cités dortoirs qu’il allait côtoyer en France.

Un jour, il fut surpris en train de flirter avec un garçon d’une cité voisine. Dès lors on cessa de l’appeler Karim et on le rebaptisa Karima comme s’il était normal pour ainsi dire de le rétrograder. Car un homosexuel n’est pas vraiment un homme à leurs yeux mais devient l’équivalent d’une femme, le sexe inférieur bien entendu.

Évidemment, ses ennuis ne s’arrêtèrent pas là. Il était devenu un paria et on le traitait comme tel. Il n’osait plus sortir de son appartement quand ils étaient là et ils étaient là très souvent.

Les rares fois où il sortait, il longeait les murs, s’arrangeait pour être le plus discret possible, pour qu’on ne le remarque pas. Et pourtant malgré tous ses efforts, il se fit prendre une fois en début de soirée alors qu’il revenait chez lui après avoir fait ses courses. On le mena de force dans une des caves qu’ils avaient l’habitude de squatter quand le temps ne leur permettait pas de rester à l’extérieur. On l’attacha sur une chaise et on s’apprêtait à le tourmenter pour ne pas dire torturer.


Le chef de la bande s’appelait Youssef et son adjoint le plus virulent se nommait Alexandre.


Youssef : Tu vas crever pourriture !


Karim : Mais pourquoi, qu’est-ce que je vous ai fait ? Qu’est-ce que vous avez contre moi ?


Youssef : Tu n’es qu’une sale pédale, on va te cramer !


Karim : Mais vous êtes fous, ce n’est pas de ma faute si je suis homosexuel.


Youssef : La faute à qui alors, à nous peut-être ?


Karim : Je suis comme Dieu m’a fait.


Youssef : Ne viens pas mêler Dieu à tout ça. Dieu est grand, pourquoi t’aurait-il créé homosexuel s’il condamne l’homosexualité ? Tu nous prends pour des imbéciles ?


Karim : Il veut peut-être tester votre degré de tolérance, je ne sais pas, mais ce que je sais, c’est que ce n’est pas de ma faute si je suis comme je suis.


Alexandre : Arrête de l’écouter cette pourriture, crame-le !!!


Et les autres de reprendre tous en cœur : « Crame-le Youssef ! »


Alors Youssef s’empara du bidon d’essence qu’ils gardaient pour leurs scooters le cas échéant et le vida sur Karim qui criait au secours, les suppliait d’arrêter, puis machinalement comme s’il savait qu’il n’y avait plus rien à faire, se mit à pleurer et à répéter en arabe « Dieu est grand ».


Alexandre tendit alors à Youssef un briquet pour qu’il leur donne enfin le spectacle qu’ils attendaient tous. Youssef l’alluma et le jeta sur Karim qui s’enflamma en hurlant, tandis que les autres riaient.


Au procès, car il y eut bien sûr un procès, tous déclarèrent qu’ils ne l’avaient pas voulu, que c’est Karim qui les avait provoqué. Qu’ils n’étaient pas dans leur état normal, car sinon jamais ils n’auraient fait ça.

Évidemment, cela ne servit à rien, car ils furent condamnés lourdement, mais il fallait bien qu’ils se justifient, y compris par le mensonge, pour répondre à la culpabilisation que le monde hypocrite cherchait à faire entrer en eux, à défaut de vraie culpabilité ressentie dans leurs tréfonds. Car bien sûr transpirant toujours autant la virilité exacerbée, au fond ils trouvaient quand même avoir fait ce qu’il fallait, et que la vraie justice aurait été de leur dire merci. Ils étaient les bons, pas les méchants, des incompris qu’un monde aveuglé avait injustement condamné à tort. Mais un jour Dieu leur ferait regretter leur erreur et les vengerait d’une manière ou d’une autre, ils en étaient persuadés ou voulaient-ils juste s’en persuader pour pouvoir continuer à vivre en gardant d’eux-mêmes une bonne image sans avoir jamais à se remettre en cause. Pour beaucoup d’entre nous en effet, ce n’est jamais de notre faute, mais toujours de la faute d’un ou plusieurs autres que les mauvaises choses arrivent. Car les mauvaises choses en général sont souvent orphelines, alors que les bonnes au contraire sont revendiquées par de nombreux pères auto-déclarés, pas vrai ?

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